vendredi 31 mai 2013

Démolition d'un Dewin repoussée

Nous avions récemment réagi à la demande de démolition de l’annexe à l’ancienne clinique du Dr Verhoogen, rue Marie-Thésèse à Saint-Josse (voir ci-dessous). Rappelons que le projet prévoyait une forte densification du bâti par la rénovation partielle de l’ancienne clinique au n° 100-102 et la démolition/reconstruction de son annexe au n° 98, deux bâtiments construits par Jean-Baptiste Dewin en 1907 et 1920-1921.

La demande de permis d’urbanisme est passée en Commission de concertation le 6 juin dernier et nous avions réagis contre ce projet lors de l’enquête publique en demandant, notamment, que soit envisagé le classement du site au vu de son intérêt et de l’importance de son architecte.

Heureusement, la Commission de concertation a remis un avis défavorable (téléchargeable ici) à la demande de permis, se basant sur des arguments de patrimoine mais aussi de densification excessive de l’îlot et de distinction ambiguë entre le logement et l’hôtel. Alors que l'intérêt des bâtiments est aujourd'hui reconnu, il serait souhaitable qu'une mesure de protection (classement) vienne confirmer la volonté de préserver ce patrimoine sur le long terme et éviter de voir revenir de nouvelles demandes de démolition plus ou moins modifiées.

Le bâtiment du 98, rue Marie-Thérèse (Jean-Baptiste Dewin, 1920-1921)

samedi 4 mai 2013

Un Dewin méconnu menacé

Jusqu’au 6 mai, est à l’enquête publique une demande de « Transformation d’une ancienne clinique en hôtel » à Saint-Josse (rue Marie-Thérèse 98 – 102). Celle-ci cache en fait la démolition d’un bâtiment remarquable, une superbe réalisation du célèbre architecte Art Nouveau et spécialiste des établissement hospitaliers : Jean-Baptiste Dewin. Le projet prévoit la rénovation du n° 102 mais le n° 98 est voué à la démolition. Ce bâtiment atypique date de 1920-1921 et est une extension de la clinique privée du Dr Verhoogen construite, elle aussi, par Dewin en 1907 juste à coté aux 100-102. Pour nous, une telle démolition est impensable car ce bâtiment mérite le classement !


Le 98, rue Marie-Thérèse

Le bâtiment est implanté en longueur, face à la cour arborée (© MRBC-DMS, 1993-1995)

L’architecte, « Jean-Baptiste Dewin, (1873-1948) se révélera peut-être le plus original des architectes de l’Art Nouveau belge après Horta et Hankar », dixit Jean Morjan in L’Académie et l’Art Nouveau, 1996. En effet, l’architecture de Dewin, d’un style géométrique dénué de toute distraction décorative et influencé par le japonisme (notamment en ce qui concerne la division des fenêtres), Paul Hankar et la Sécession Viennoise, se révèle aujourd’hui comme un précurseur direct de l’Art Déco. Fait rare, Dewin a ainsi construit essentiellement dans un style très cohérent depuis ses débuts en 1898 jusqu’aux années 1930. La sobriété de ses façades traduit les principes fondateurs de l’Art Nouveau (influencé par le mouvement Arts and Crafts anglais et le japonisme) et suit le message véhiculé par Victor Horta qui plaida en faveur de façades sobres, l’exubérance décorative étant réservée aux intérieurs.

Jean-Baptiste Dewin, pionnier de l’Art Nouveau et de l’Art Déco est un architecte très important réalisant une sorte de synthèse et une passerelle entre ces deux styles. Plusieurs de ses œuvres sont aujourd’hui classées. Formé notamment par Georges Hobé, il fut président de la Société Centrale d’Architecture (la SCAB) et du Xe congrès International des Architectes. Des figures incontournables de l’Art Déco et du modernisme bruxellois tels Louis Herman De Koning, Jean-Jules Eggerickx, Jacques Obozinski, François Van Meulecom ont été stagiaires chez Dewin. Il s’est spécialisé dans la construction d’hôtels de maître, de cliniques (dont l'Institut chirurgical Berkendael, place Brugmann) et de bâtiments publics (dont la Maison Communale de Forest, classée). Nous devons malheureusement déplorer la démolition de son chef-d’œuvre Art Déco, la rédaction et l’imprimerie de Het Laatste Nieuws, boulevard E. Jacqmain, au début des années 1980.

L'ancien Institut chirurgical Berkendael (© MRBC-DMS, 2006)
L'ancien Institut pour le traitement des maladies des yeux (© MRBC-DMS, 1994)

Spécialiste des cliniques et établissements hospitaliers, il construisit en 1903 pour le docteur Depage une clinique 29 place Brugmann (Institut chirurgical Berkendael). Il réalisa ensuite neuf constructions hospitalières dans la capitale : l'institut ophtalmologique, rue des Vétérinaires, 23 (1912) ; l’Institut pour le traitement des maladies des yeux, avenue de Tervueren 68 (1912) ; l'Ecole belge d'infirmières, rue de l'Ecole (1913) ; la Polyclinique dentaire du Dr Rosenthal, chaussée d'Etterbeek 166 (1913) ; l'Institut Longchamp, avenue Winston Churchill 255 (1914) et la Clinique du Dr Verhoogen, rue Marie Thérèse 98 (1921). Sa carrière est couronnée par la construction de l'hôpital Saint-Pierre, rue Haute (1926-32), où sa vision rationnelle de l'architecture hospitalière aboutit à la conception d'une clinique adaptée à la médecine moderne et qui s'inscrit parfaitement dans le tissu urbain.

Rue Marie-Thérèse : la porte d'entrée

Rue Marie-Thérèse : détail de la corniche

Le petit bâtiment de la rue Marie-Thérèse, représentatif de son style soigné, présente une typologie particulière par son implantation en longueur, perpendiculaire à la rue. Il possède une architecture très intéressante ainsi que des éléments décoratifs remarquables (vitraux, ferronneries, boiseries). Il est actuellement utilisé comme logement et, selon certains anciens habitants, des éléments décoratifs d’origine pourraient encore être présents à l’intérieur. Pour la petite histoire, c’est là que le fameux peintre symboliste Fernand Khnopff est décédé en 1921. Pour Pétitions-Patrimoine, avant tout projet visant à transformer (et à fortiori à démolir) le bâtiment, il est indispensable que des experts du service des Monuments et Sites visitent ce lieu au plus vite afin d’en proposer le classement sans attendre.