mercredi 25 mars 2015

Inquiétude sur le sort des ateliers Citroën

Va-t-on sacrifier le patrimoine

pour un hypothétique musée ?


Les ateliers Citroën - façade le long du canal

Le 11 mars dernier, depuis le salon de l’immobilier MIPIM à Cannes, Rudi Vervoort annonçait qu’un accord avait été trouvé entre la Région de Bruxelles-Capitale et le groupe PSA pour le rachat des emblématiques showroom et ateliers Citroën de la place de l’Yser et du quai de Willebroeck. Le but de l’opération est de loger le futur Musée d’Art Moderne et Contemporain que le Ministre-Président bruxellois appelle de ses vœux. Cependant, le deal que semble avoir élaboré la Région pour financer le musée n’est pas sans inquiéter les défenseurs du patrimoine. Le showroom de la place de l’Yser serait réaffecté en lieu d’exposition mais les vastes ateliers à l’arrière seraient sacrifiés à la construction d’un projet immobilier résidentiel destiné à financer le tout.

Rappelons que le complexe Citroën est un ensemble industriel et commercial des plus emblématiques et remarquables du Mouvement Moderne à Bruxelles. Ce paquebot de verre, salué à l’époque pour ses qualités techniques et esthétiques, fut construit en 1935 par les architectes bruxellois Alexis Dumont et Marcel Van Goethem en collaboration avec l’architecte attitré de Citroën, Maurice Ravazé. Alexis Dumont et Marcel Van Goethem ne sont pas des inconnus et, ensembles ou séparément, ont construit plusieurs immeubles Art déco et modernistes parmi les plus importants à Bruxelles : le Shell Building, rue Ravenstein (Dumont, 1931-1934), le rectorat de l’ULB (Dumont, 1924-1932), l’Institut des Arts et Métiers (Dumont, 1928), la villa Coene (Dumont et Van Goethem, 1937) ou encore, après-guerre, la Banque Nationale de Belgique (Van Goethem, 1948-1957). Les établissements Citroën de la place de l’Yser furent la première implantation de la marque hors de France ainsi que le plus grand concessionnaire et atelier automobile d’Europe. Implanté dans un lieu central et très visible, le complexe bénéficia de toute l’attention d’André Citroën qui avait donné une importance majeure à son image de marque à travers l’architecture de ses garages et showrooms. Les qualités de cet ensemble sont largement reconnues depuis longtemps ; il est notamment mentionné dans Le guide de l’architecture moderne à Bruxelles, Editions de l’Octogone, édité en 1993 avec le soutien de la Région de Bruxelles-Capitale.

Le traitement particulier des angles : la façade de verre s'incurve sans brisure

Détail de la façade des ateliers

Hélas cela n’a pas suffit à préserver ce patrimoine remarquable des menaces de démolitions, ni à lui octroyer une protection à sa mesure. En 1996 déjà, un projet immobilier développé par le groupe Citroën Belgium prévoyait la démolition des ateliers pour la construction d’un vaste ensemble de bureaux et (d’un peu) de logement. Il fut combattu par Pétitions-Patrimoine et la demande de permis fut rejetée par la Ville de Bruxelles.

En 2000, la Région avait annoncé son intention de classer mais sans aboutir et certains bruits de rachat par une grande banque ont circulés. Dès lors, à l’occasion des Journées du Patrimoine de septembre 2000, Pétitions-Patrimoine et le BRAL ont lancé une pétition de classement des ateliers suivant l’ordonnance de 1993 sur le patrimoine. Cette pétition a recueilli plus de 500 signatures de Bruxellois et, conformément à la législation en vigueur, aurait dû être suivie par l’ouverture d’une procédure de classement. Cela n’a malheureusement pas été le cas et ni Pétitions-Patrimoine, ni le BRAL n’ont été notifiés des suites données à cette pétition qui semble être restée bloquée quelque part dans un placard de l’administration. Pourtant, à l’époque, plusieurs associations s’étaient mobilisées pour soutenir cette demande et l’ICOMOS avait salué cette initiative citoyenne dans son Bulletin de liaison de janvier 2001.

Malgré l’absence de classement, une certaine prise de conscience de l’intérêt de ce patrimoine s’est fait jour au sein des pouvoirs publics par l’adoption, en juillet 2008, du PPAS (Plan Particulier d’Affectation du Sol) 70-20a « Willebroeck » couvrant les îlots à front du canal, entre la place de l’Yser et le pont des Armateurs. Ce PPAS avait créé la polémique car il avait surtout été conçu pour permettre la construction de la tour Upsite qui a mené à le démolition des anciens entrepôts Art Nouveau de Delhaize à deux pas de là. Il contient néanmoins des prescriptions visant à préserver le patrimoine de l’îlot des établissements Citroën. Pourtant, avec l’opération immobilière envisagée par la Région dans le sillage de l’hypothétique Musée d’Art Moderne et Contemporain, ce PPAS ne semble pas être perçu comme un frein à la destruction du patrimoine.

Une architecture moderniste remarquable

Pour Pétitions-Patrimoine, si l’achat de cet ensemble remarquable et emblématique par la Région doit avoir un sens c’est, avant tout, pour le soustraire à la spéculation immobilière qui règne dans la zone et le protéger une fois pour toute par un classement global du showroom et des ateliers. Que la Région désire créer un nouveau musée, pourquoi pas, mais son rôle est aussi d’avoir une politique de protection du patrimoine et, dans cette optique, le classement d’un tel ensemble s’impose. Les futures réaffectations des bâtiments Citroën doivent donc prioritairement s’inscrire dans ce patrimoine en le mettant en valeur et en prenant en compte ses qualités et spécificités. Techniquement, les ateliers Citroën ont été construit de manière remarquable : leur structure métallique a été conçue dès l’origine pour supporter la surcharge d’un étage intermédiaire, permettant une grande flexibilité d’utilisation et d’affectation. Alors, et si, face à un bâtiment d’une telle valeur, la Région bruxelloise faisait preuve d’une réelle ambition en le protégeant et en élaborant un plan global de réaffectation respectueux du patrimoine qui englobait l’ensemble du site ? Chiche !

vendredi 13 mars 2015

Une villa Dewin à classer

Le comité de quartier Quartier Meunier a récemment lancé une campagne « NotreHistoire » afin de soutenir le classement d'une Villa Art Déco de l'architecte Jean-Baptiste Dewin et de son jardin, située rue Meyerbeer 29-33 à Forest.

Façade à rue de la villa - photo ancienne

En décembre 2014, la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS) a proposé de classer cette villa de 1925 et son jardin en raison de leur intérêt historique et esthétique. La villa est dans un état de conservation exceptionnel et forme avec son jardin un ensemble magnifique. Le Ministre-Président Rudi Vervoort et les autres membres du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale doivent décider dans quelques jours s'ils entament ou non la procédure de classement.


Vue depuis le jardin

La villa et l'immense jardin qui l'entoure ont été récemment achetés par un promoteur qui compte bâtir sur ce terrain un très grand complexe d'appartements, isolant complètement la maison de son environnement d'origine. C'est donc le moment d'agir pour garantir la préservation de ce patrimoine bâti et naturel exceptionnel.

Pour mieux comprendre l'intérêt de protéger ce patrimoine, visitez le site www.notrehistoire.be

Comment soutenir l'action du comité Quartier Meunier ?

- Signez la pétition : https://www.lapetition.be/en-ligne/Classement-d-une-villa-Dewin-et-son-jardin-appel-au-gouvernement-Vervoort-15515.html
- Envoyez un courrier au Ministre-Président Rudi Vervoort et aux autres membres du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (lettre type sur le site)
- Diffusez la pétition et le site www.notrehistoire.be auprès de vos amis et réseaux (Facebook Notre histoire)

mercredi 21 janvier 2015

Pétition de classement pour la place du Jeu de Balle


Pétitions-Patrimoine, en collaboration avec la Plateforme Marolles, vient de déposer ce 20 janvier auprès de l’administration des Monuments et Sites de la Région bruxelloise une pétition de classement comme site de l’ensemble de l’espace public de la place du Jeu de Balle, ainsi que de plusieurs bâtiments qui s’y trouvent et de l’ancien abri anti-aérien situé dans son sous-sol.

L’annonce récente d’un projet de construction de parking sous la place du Jeu de Balle a permis à de nombreux Bruxellois de découvrir que le retard dans la politique de classement à Bruxelles est tel que, ni cette place, ni les principaux édifices qui la caractérisent ne font l’objet d’une quelconque mesure de protection. Même l’emblématique ancienne caserne des pompiers due à l’architecte Joseph Poelaert ne jouit d’aucune protection à ce jour.

C’est également à cette occasion qu’un explorateur urbain a rendu public un reportage photographique montrant le parfait état de conservation de l’abri anti-aérien se situant sous la place et dont de nombreuses personnes ignoraient jusqu’à l’existence. Il convenait dès lors de combler cette lacune en proposant au classement la place du Jeu de Balle, hôte du Vieux Marché depuis 1873, et des bâtiments et ensembles les plus significatifs qui la caractérisent.

© www.forbidden-places.net
Avec l’aide de Pétitions-Patrimoine et de la Plateforme Marolles, une demande de classement par pétition vient donc d’être remise aux autorités régionales, conformément au Code bruxellois de l’Aménagement du Territoire (CoBAT) qui permet de demander au Gouvernement régional l’ouverture d’une procédure de classement.

La demande introduite concerne :
• L’ensemble de l’espace public de la place du Jeu de Balle, qui a conservé un aspect proche de son état d’origine (notamment grâce à la présence quotidienne du Vieux Marché depuis 1873). Sa simplicité, sa lisière d’arbres et l’uniformité des matériaux de qualité, dont les fameux pavés qui la recouvrent, sont typiques des aménagements publics du XIXe et du début du XXe siècle. Peu de places bruxelloises ont su conserver à ce point ce caractère et/ou leur typologie d’origine.


• L’église paroissiale de l’Immaculée Conception, construite en plusieurs phases entre 1852 et 1870, sur la partie occidentale de la place.


• L’ancienne demeure du sacristain construite en 1862 et huit maisons de style néo-classique datant de 1866, qui font partie du bâti d’origine, jouxtant l’église de part et d’autre et qui permettent, par leurs gabarits réguliers, d’en rendre l’échelle d’autant plus lisible.


• L’ancienne Caserne des pompiers, construite en 1861-1863 selon les plans de l’architecte Joseph Poelaert, qui occupe toute la face orientale de la place.


• L’ancien abri anti-aérien se trouvant dans le sous-sol de la place, probablement aménagé en 1942 dans le cadre de l’organisation générale de la Défense Aérienne Passive, dans une partie des sous-sols des Ateliers du Renard, usine de construction de locomotives démolie au moment de la création de la rue Blaes et de la place du Jeu de Balle. La présence d’inscriptions « défense d’uriner » et « défense de cracher » en français et en néerlandais atteste que le lieu était destiné à la population civile bruxelloise, pour servir de refuge en cas d’attaque aérienne. Il s’agit d’un des rares témoins matériels à Bruxelles du second conflit mondial, la plupart des abris anti-aériens ayant été détruits après la guerre (par exemple : place Fontainas, Porte de Ninove, Théâtre flamand, rue de l’Hôpital sous le tunnel de la Jonction, ou encore l’abri-hôpital de la Porte de Hal relié par un tunnel à l’Institut Bordet).

L’intérêt patrimonial et historique de la place du Jeu de Balle, si caractéristique du Vieux Bruxelles et du folklore populaire bruxellois, est évident aux yeux de nombreux Bruxellois mais est aussi largement reconnu tant en Belgique qu’à l’étranger. Les quelques jours de collecte des signatures, par la réaction du public rencontré, ont permis de réaffirmer cette évidence avec force.

La Plateforme Marolles et Pétitions-Patrimoine attendent maintenant que le Gouvernement régional bruxellois prenne la mesure de classement qui s’impose pour cette place riche en patrimoine architectural, historique, folklorique ou archéologique et si chère aux cœurs des Bruxellois. Pour les associations, riverains et signataires, le classement permettra de garantir un avenir qui tienne pleinement compte de ce patrimoine et tourne définitivement le dos aux pires années de bruxellisation qui ont menacé le quartier des Marolles depuis les projets d’extension du Palais de Justice en passant par les vélléités de démolition de l’ancienne caserne avant sa reconversion.

Vous trouverez ci-joint la notice détaillant l’histoire et l’intérêt patrimonial de la place et des différents éléments concernés par cette demande de classement