mardi 5 juin 2018

Pétitions-Patrimoine met fin à ses activités

C’est non sans regrets, mais avec une certaine lucidité, que les membres de Pétitions-Patrimoine ont décidé de dissoudre leur asbl. L’association avait été créée en 1993, suite à la démolition d’une maison Art Nouveau classée, le 120, avenue de Tervueren. Le combat pour la remise en place de sa façade démontée est aujourd’hui gagné. Autre dossier phare défendu par Pétitions-Patrimoine, les ateliers Citroën viennent d’être inaugurés comme musée d’art moderne Kanal - centre Pompidou. Il est intéressant de rappeler qu’en 1996, Pétitions-Patrimoine était seule en Commission de concertation à défendre ce bâtiment emblématique contre un projet de démolition pure et simple. Une pétition de classement, introduite en 2000 avec le Bral, est restée d’ailleurs jusqu’aujourd’hui lettre morte, même si, à l’époque, la législation sur le patrimoine obligeait le gouvernement à entamer une procédure de classement.

Au cours de ses 25 ans d'existence, ce sont des centaines d’avis que l'association aura produits, des participations aux Commissions de concertations, des communiqués de presse et des actions médiatiques réussies : les Presses Socialistes (rue des Sables), le Palais du Vin (rue des Tanneurs), la maison-atelier Cortvriendt (rue de Nancy), la villa Coene (av. Jean et Pierre Carsoel)… des dossiers qui ont, à un moment donné, basculé vers un classement, une rénovation respectueuse… Par contre, au fil du temps, les échecs, comme la disparition de l’îlot Drapiers-Chevaliers-Toison d’Or, la destruction des anciens entrepôts Delhaize (Art Nouveau, quai des péniches) pour faire place à la tour Upsite, ou des usines Godin (quai des Usines) pour faire place à un centre commercial, tous soutenus par les pouvoirs publics, sont devenus plus nombreux.

 
Menacée de démolition, la villa Coene, av. J. et P. Carsoel est sauvée - © BUP

L’absence de prise en compte des pétitions de classement prévues par l’ordonnance régionale de 1993 sur le patrimoine et, depuis 2009, la révision de cette législation qui leur a ôté toute portée contraignante explique en partie la démotivation des citoyens qui se sont investis bénévolement dans l’association. Lors de la révision du CoBAT de 2009, la prise en compte de ces pétitions par la Région a été rendue facultative. Pétitions-Patrimoine avait alors tiré la sonnette d’alarme mais avait décidé de continuer à lancer des pétitions, en particulier lorsqu’elles étaient soutenues par une forte mobilisation locale d’habitants, comme ce fut le cas pour la salle Vermeulen à Schaerbeek ou la place du Jeu de Balle dans les Marolles. Malheureusement, il fallu constater que ces actions n’ont pas été très fructueuses et que ces pétitions furent, pour l’essentiel, rejetées par la Région.

Pétitions-Patrimoine constate d’ailleurs que de fil en aiguille, la Région revoit ses outils planologiques (PRAS, CoBAT…), pour entériner la dérogation par défaut, comme récemment avec les nouveaux PAD, les « Plans d’Aménagement Directeurs » qui permettent de déroger à toute autre législation. Pour Pétitions-Patrimoine c’est un signe de plus que la Région prend le parti du développement immobilier à tout crin au détriment de ses habitants et du patrimoine.

L'arrêt de Pétitions-Patrimoine n'est donc pas le signe que le patrimoine bruxellois n'est plus menacé, loin de là. On constate d’ailleurs une recrudescence inquiétante de projets de façadisme brutal, comme sur la chaussée d’Ixelles (63, ancien immeuble du à Ernest Delune), ou encore sur l’îlot Solvay. Pétitions-Patrimoine peut donc ressortir sa vieille formule des années 1990 : « le façadisme est à la protection du patrimoine ce que la taxidermie est à la protection animale ».


Les anciens bureaux Solvay, aujourd'hui façadisés - © BUP

Pétitions-Patrimoine fait aussi le constat qu’il devient de plus en plus difficile d’agir contre des projets d’ampleur, soutenus par les pouvoirs publics. La participation et la concertation fonctionnent mal et, face à de gros projets, quels que soit la pertinence des arguments légaux ou patrimoniaux avancés, il devient extrêmement difficile de se faire entendre. Les permis sont délivrés malgré tout et il ne reste plus que les recours au Conseil d’Etat, longs et onéreux, qui pourraient permettre d’avoir gain de cause. Il y a là un glissement regrettable et décourageant du débat public sur le développement de la ville.

Pour les administrateurs de Pétitions-Patrimoine, il y a au final le constat qu’il est devenu difficile pour des bénévoles de mener une activité de défense du patrimoine ambitieuse, car mobilisant de plus en plus de ressources, notamment en temps. Pour espérer mener à bien des actions de sauvegarde fructueuses sur le long terme, il faudrait prendre le parti de professionnaliser l’association… mais cela en changerait trop profondément la nature.

Alors que Pétitions-Patrimoine met la clé sous la porte, ses membres espèrent que d’autres citoyens reprendront le flambeau, avec d’autres moyens ou types d’actions, parce que la destruction du patrimoine reste une menace sérieuse pesant sur notre ville.

mercredi 25 mars 2015

Inquiétude sur le sort des ateliers Citroën

Va-t-on sacrifier le patrimoine

pour un hypothétique musée ?


Les ateliers Citroën - façade le long du canal

Le 11 mars dernier, depuis le salon de l’immobilier MIPIM à Cannes, Rudi Vervoort annonçait qu’un accord avait été trouvé entre la Région de Bruxelles-Capitale et le groupe PSA pour le rachat des emblématiques showroom et ateliers Citroën de la place de l’Yser et du quai de Willebroeck. Le but de l’opération est de loger le futur Musée d’Art Moderne et Contemporain que le Ministre-Président bruxellois appelle de ses vœux. Cependant, le deal que semble avoir élaboré la Région pour financer le musée n’est pas sans inquiéter les défenseurs du patrimoine. Le showroom de la place de l’Yser serait réaffecté en lieu d’exposition mais les vastes ateliers à l’arrière seraient sacrifiés à la construction d’un projet immobilier résidentiel destiné à financer le tout.

Rappelons que le complexe Citroën est un ensemble industriel et commercial des plus emblématiques et remarquables du Mouvement Moderne à Bruxelles. Ce paquebot de verre, salué à l’époque pour ses qualités techniques et esthétiques, fut construit en 1935 par les architectes bruxellois Alexis Dumont et Marcel Van Goethem en collaboration avec l’architecte attitré de Citroën, Maurice Ravazé. Alexis Dumont et Marcel Van Goethem ne sont pas des inconnus et, ensembles ou séparément, ont construit plusieurs immeubles Art déco et modernistes parmi les plus importants à Bruxelles : le Shell Building, rue Ravenstein (Dumont, 1931-1934), le rectorat de l’ULB (Dumont, 1924-1932), l’Institut des Arts et Métiers (Dumont, 1928), la villa Coene (Dumont et Van Goethem, 1937) ou encore, après-guerre, la Banque Nationale de Belgique (Van Goethem, 1948-1957). Les établissements Citroën de la place de l’Yser furent la première implantation de la marque hors de France ainsi que le plus grand concessionnaire et atelier automobile d’Europe. Implanté dans un lieu central et très visible, le complexe bénéficia de toute l’attention d’André Citroën qui avait donné une importance majeure à son image de marque à travers l’architecture de ses garages et showrooms. Les qualités de cet ensemble sont largement reconnues depuis longtemps ; il est notamment mentionné dans Le guide de l’architecture moderne à Bruxelles, Editions de l’Octogone, édité en 1993 avec le soutien de la Région de Bruxelles-Capitale.

Le traitement particulier des angles : la façade de verre s'incurve sans brisure

Détail de la façade des ateliers

Hélas cela n’a pas suffit à préserver ce patrimoine remarquable des menaces de démolitions, ni à lui octroyer une protection à sa mesure. En 1996 déjà, un projet immobilier développé par le groupe Citroën Belgium prévoyait la démolition des ateliers pour la construction d’un vaste ensemble de bureaux et (d’un peu) de logement. Il fut combattu par Pétitions-Patrimoine et la demande de permis fut rejetée par la Ville de Bruxelles.

En 2000, la Région avait annoncé son intention de classer mais sans aboutir et certains bruits de rachat par une grande banque ont circulés. Dès lors, à l’occasion des Journées du Patrimoine de septembre 2000, Pétitions-Patrimoine et le BRAL ont lancé une pétition de classement des ateliers suivant l’ordonnance de 1993 sur le patrimoine. Cette pétition a recueilli plus de 500 signatures de Bruxellois et, conformément à la législation en vigueur, aurait dû être suivie par l’ouverture d’une procédure de classement. Cela n’a malheureusement pas été le cas et ni Pétitions-Patrimoine, ni le BRAL n’ont été notifiés des suites données à cette pétition qui semble être restée bloquée quelque part dans un placard de l’administration. Pourtant, à l’époque, plusieurs associations s’étaient mobilisées pour soutenir cette demande et l’ICOMOS avait salué cette initiative citoyenne dans son Bulletin de liaison de janvier 2001.

Malgré l’absence de classement, une certaine prise de conscience de l’intérêt de ce patrimoine s’est fait jour au sein des pouvoirs publics par l’adoption, en juillet 2008, du PPAS (Plan Particulier d’Affectation du Sol) 70-20a « Willebroeck » couvrant les îlots à front du canal, entre la place de l’Yser et le pont des Armateurs. Ce PPAS avait créé la polémique car il avait surtout été conçu pour permettre la construction de la tour Upsite qui a mené à le démolition des anciens entrepôts Art Nouveau de Delhaize à deux pas de là. Il contient néanmoins des prescriptions visant à préserver le patrimoine de l’îlot des établissements Citroën. Pourtant, avec l’opération immobilière envisagée par la Région dans le sillage de l’hypothétique Musée d’Art Moderne et Contemporain, ce PPAS ne semble pas être perçu comme un frein à la destruction du patrimoine.

Une architecture moderniste remarquable

Pour Pétitions-Patrimoine, si l’achat de cet ensemble remarquable et emblématique par la Région doit avoir un sens c’est, avant tout, pour le soustraire à la spéculation immobilière qui règne dans la zone et le protéger une fois pour toute par un classement global du showroom et des ateliers. Que la Région désire créer un nouveau musée, pourquoi pas, mais son rôle est aussi d’avoir une politique de protection du patrimoine et, dans cette optique, le classement d’un tel ensemble s’impose. Les futures réaffectations des bâtiments Citroën doivent donc prioritairement s’inscrire dans ce patrimoine en le mettant en valeur et en prenant en compte ses qualités et spécificités. Techniquement, les ateliers Citroën ont été construit de manière remarquable : leur structure métallique a été conçue dès l’origine pour supporter la surcharge d’un étage intermédiaire, permettant une grande flexibilité d’utilisation et d’affectation. Alors, et si, face à un bâtiment d’une telle valeur, la Région bruxelloise faisait preuve d’une réelle ambition en le protégeant et en élaborant un plan global de réaffectation respectueux du patrimoine qui englobait l’ensemble du site ? Chiche !

vendredi 13 mars 2015

Une villa Dewin à classer

Le comité de quartier Quartier Meunier a récemment lancé une campagne « NotreHistoire » afin de soutenir le classement d'une Villa Art Déco de l'architecte Jean-Baptiste Dewin et de son jardin, située rue Meyerbeer 29-33 à Forest.

Façade à rue de la villa - photo ancienne

En décembre 2014, la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS) a proposé de classer cette villa de 1925 et son jardin en raison de leur intérêt historique et esthétique. La villa est dans un état de conservation exceptionnel et forme avec son jardin un ensemble magnifique. Le Ministre-Président Rudi Vervoort et les autres membres du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale doivent décider dans quelques jours s'ils entament ou non la procédure de classement.


Vue depuis le jardin

La villa et l'immense jardin qui l'entoure ont été récemment achetés par un promoteur qui compte bâtir sur ce terrain un très grand complexe d'appartements, isolant complètement la maison de son environnement d'origine. C'est donc le moment d'agir pour garantir la préservation de ce patrimoine bâti et naturel exceptionnel.

Pour mieux comprendre l'intérêt de protéger ce patrimoine, visitez le site www.notrehistoire.be

Comment soutenir l'action du comité Quartier Meunier ?

- Signez la pétition : https://www.lapetition.be/en-ligne/Classement-d-une-villa-Dewin-et-son-jardin-appel-au-gouvernement-Vervoort-15515.html
- Envoyez un courrier au Ministre-Président Rudi Vervoort et aux autres membres du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (lettre type sur le site)
- Diffusez la pétition et le site www.notrehistoire.be auprès de vos amis et réseaux (Facebook Notre histoire)

mercredi 21 janvier 2015

Pétition de classement pour la place du Jeu de Balle


Pétitions-Patrimoine, en collaboration avec la Plateforme Marolles, vient de déposer ce 20 janvier auprès de l’administration des Monuments et Sites de la Région bruxelloise une pétition de classement comme site de l’ensemble de l’espace public de la place du Jeu de Balle, ainsi que de plusieurs bâtiments qui s’y trouvent et de l’ancien abri anti-aérien situé dans son sous-sol.

L’annonce récente d’un projet de construction de parking sous la place du Jeu de Balle a permis à de nombreux Bruxellois de découvrir que le retard dans la politique de classement à Bruxelles est tel que, ni cette place, ni les principaux édifices qui la caractérisent ne font l’objet d’une quelconque mesure de protection. Même l’emblématique ancienne caserne des pompiers due à l’architecte Joseph Poelaert ne jouit d’aucune protection à ce jour.

C’est également à cette occasion qu’un explorateur urbain a rendu public un reportage photographique montrant le parfait état de conservation de l’abri anti-aérien se situant sous la place et dont de nombreuses personnes ignoraient jusqu’à l’existence. Il convenait dès lors de combler cette lacune en proposant au classement la place du Jeu de Balle, hôte du Vieux Marché depuis 1873, et des bâtiments et ensembles les plus significatifs qui la caractérisent.

© www.forbidden-places.net
Avec l’aide de Pétitions-Patrimoine et de la Plateforme Marolles, une demande de classement par pétition vient donc d’être remise aux autorités régionales, conformément au Code bruxellois de l’Aménagement du Territoire (CoBAT) qui permet de demander au Gouvernement régional l’ouverture d’une procédure de classement.

La demande introduite concerne :
• L’ensemble de l’espace public de la place du Jeu de Balle, qui a conservé un aspect proche de son état d’origine (notamment grâce à la présence quotidienne du Vieux Marché depuis 1873). Sa simplicité, sa lisière d’arbres et l’uniformité des matériaux de qualité, dont les fameux pavés qui la recouvrent, sont typiques des aménagements publics du XIXe et du début du XXe siècle. Peu de places bruxelloises ont su conserver à ce point ce caractère et/ou leur typologie d’origine.


• L’église paroissiale de l’Immaculée Conception, construite en plusieurs phases entre 1852 et 1870, sur la partie occidentale de la place.


• L’ancienne demeure du sacristain construite en 1862 et huit maisons de style néo-classique datant de 1866, qui font partie du bâti d’origine, jouxtant l’église de part et d’autre et qui permettent, par leurs gabarits réguliers, d’en rendre l’échelle d’autant plus lisible.


• L’ancienne Caserne des pompiers, construite en 1861-1863 selon les plans de l’architecte Joseph Poelaert, qui occupe toute la face orientale de la place.


• L’ancien abri anti-aérien se trouvant dans le sous-sol de la place, probablement aménagé en 1942 dans le cadre de l’organisation générale de la Défense Aérienne Passive, dans une partie des sous-sols des Ateliers du Renard, usine de construction de locomotives démolie au moment de la création de la rue Blaes et de la place du Jeu de Balle. La présence d’inscriptions « défense d’uriner » et « défense de cracher » en français et en néerlandais atteste que le lieu était destiné à la population civile bruxelloise, pour servir de refuge en cas d’attaque aérienne. Il s’agit d’un des rares témoins matériels à Bruxelles du second conflit mondial, la plupart des abris anti-aériens ayant été détruits après la guerre (par exemple : place Fontainas, Porte de Ninove, Théâtre flamand, rue de l’Hôpital sous le tunnel de la Jonction, ou encore l’abri-hôpital de la Porte de Hal relié par un tunnel à l’Institut Bordet).

L’intérêt patrimonial et historique de la place du Jeu de Balle, si caractéristique du Vieux Bruxelles et du folklore populaire bruxellois, est évident aux yeux de nombreux Bruxellois mais est aussi largement reconnu tant en Belgique qu’à l’étranger. Les quelques jours de collecte des signatures, par la réaction du public rencontré, ont permis de réaffirmer cette évidence avec force.

La Plateforme Marolles et Pétitions-Patrimoine attendent maintenant que le Gouvernement régional bruxellois prenne la mesure de classement qui s’impose pour cette place riche en patrimoine architectural, historique, folklorique ou archéologique et si chère aux cœurs des Bruxellois. Pour les associations, riverains et signataires, le classement permettra de garantir un avenir qui tienne pleinement compte de ce patrimoine et tourne définitivement le dos aux pires années de bruxellisation qui ont menacé le quartier des Marolles depuis les projets d’extension du Palais de Justice en passant par les vélléités de démolition de l’ancienne caserne avant sa reconversion.

Vous trouverez ci-joint la notice détaillant l’histoire et l’intérêt patrimonial de la place et des différents éléments concernés par cette demande de classement

mercredi 3 décembre 2014

Des places publiques ou des places de parking

Pétitions-Patrimoine se joint au concert de critiques qui voient le jour suite au projet de « piétonisation » d’une partie du centre-ville de Bruxelles. Ce projet qui vise à créer une zone piétonne autour de la Grand-Place au détriment du reste du Pentagone ressemble à un mauvais rêve issu des années 1960, époque bénie de la bruxellisation. En effet, la philosophie qui sous-tend le projet paraît particulièrement rétrograde car il ne s’agit pas de protéger du trafic automobile un centre historique déjà saturé de voiture mais, au contraire, d’y amener plus de voitures en proposant de nouveaux parkings souterrains qui défigureront plusieurs places historiques (place Rouppe, place du Jeu de Balle, place de l’Yser et Nouveau Marché aux Grains). Ces parkings, confiés à des opérateurs privés, devront nécessairement être remplis au mieux pour assurer leur rentabilité, ce qui empêchera, par effet rebond, toute future politique volontariste de réduction du trafic.

Alors que la plupart des villes européennes mettent en place des politiques visant à protéger leurs centres historiques du trafic automobile et à inciter les visiteurs, chalands et touristes à laisser leurs voitures en périphérie et à y venir en transport public, la Ville de Bruxelles prône exactement l’inverse : amener les visiteurs – en voiture – au plus près d’un hyper-centre, certes piétonnier, mais qui est traité comme un simple shopping-centre, c’est-à-dire desservi par une sorte de mini-ring routier et entouré de parkings. Or, on sait que les centres anciens, avec leurs rues généralement étroites et non rectilignes, n’ont pas été conçues pour l’usage de l’automobile et que, historiquement, toutes les tentatives pour les y adapter ont été des échecs, créant plus de nuisances que de fluidité. On sait aussi combien la pollution atmosphérique due à ce trafic salit et dégrade la pierre et les matériaux des monuments et bâtiments historiques.

Du projet porté par la Ville de Bruxelles, Pétitions-Patrimoine dénonce surtout la mise à sac des quatre places historiques du centre vouées à accueillir les nouveaux parkings souterrains. En effet, la création de ces parkings s’accompagnera inévitablement de la construction de diverses cheminées d’aération et trémies d’accès. Ces dispositifs sont particulièrement encombrants et détruiront les proportions, circulations, perspectives et cohérences visuelles de ces places publiques, en particulier du fait que la plupart d’entre elles sont de taille plutôt modeste. Il suffit de voir les difficultés d’aménagement de la place de la Monnaie, littéralement coupée en deux par les trémies d’accès au parking qu’elle surplombe. Son espace est pourtant assez généreux mais il semble bien encombré par les dispositifs techniques du parking (bouche d’aération et trémies d’accès) qu’on a essayé, tant bien que mal, de masquer par des aménagements divers. On y voit aussi combien le cheminement des piétons est entravé par les deux voies d’accès au parking. Alors, va-t-on répéter les mêmes erreurs sur des places plus petites ? Imagine-t-on vraiment la petite place du Nouveau Marché aux Grains ou la symétrique et classique place Rouppe affublées de rampes d’accès à des parkings et dépourvues à jamais de toute possibilité d’y planter des arbres ?

L'abris très bien préservé sous la place du Jeu de Balle (Plateform Marolles)
Plus particulièrement, Pétitions-Patrimoine s’est penchée sur le cas de la place du Jeu de Balle qui possède des spécificités qui la rende particulièrement inapte à accueillir un parking souterrain. Tout d’abord, comme pour les autres places, il y a le problème des aérations et voies d’accès qui vont défigurer sont attrait historique et esthétique : simplicité, uniformité des matériaux de qualité (pavés), lisière d’arbres… Ensuite, le sous-sol de la place possède des éléments qu’il conviendrait de préserver pour leurs valeurs historiques : partie de l’ancienne usine de locomotive de la « Société du Renard » (1837) et un vaste abri anti-aérien pratiquement intact datant de la Seconde Guerre Mondiale. La place, achevée en 1863, abrite aussi le « vieux marché » quotidien depuis 1873. Le long chantier du parking et le réaménagement de l’espace de la place risque de mettre à mal ce marché populaire qui, avec son folklore et ses multiples anecdotes, fait partie de l’Histoire et du patrimoine immatériel de Bruxelles. Les Marolliens et nombreux Bruxellois qui pétitionnent et protestent en ce moment contre cette menace ne s’y sont pas trompés.

Pétitions-Patrimoine demande à la Ville de revoir la copie de son plan de piétonisation, tout d’abord en abandonnant l’idée de créer de nouveaux parkings souterrains dans le centre-ville. Ceux-ci sont inutiles, coûteux et destructeurs du patrimoine et de l’espace public. Ensuite, Pétitions-Patrimoine plaide pour un changement de philosophie du plan : s’il y a piétonisation d’une partie du centre-ville, cela ne doit pas se faire au détriment des autres quartiers du Pentagone et une politique générale de modération du trafic doit être mise en place afin de préserver ce qui fait la qualité d’un centre historique digne de ce nom.

mardi 19 novembre 2013

Opération lose-lose pour le patrimoine ixellois ?

Ce mercredi 20 novembre passe en Commission de concertation la demande de permis pour la restructuration de l’îlot de la Maison communale d’Ixelles. Ce projet communal prévoit la démolition de quatre maisons historiques rue du Viaduc (n° 16 à 22) et leur remplacement par un immeuble administratif.

Pourtant ces élégantes maisons du XIXe siècle constituent un ensemble néo-classique cohérent (inscrit à l'inventaire régional du patrimoine), typique de l’urbanisation originelle du quartier. Il est d’autant plus intéressant de préserver ces maisons que le style néo-classique est particulièrement présent dans le bâti ancien d’Ixelles et constitue en grande partie l’image de marque de la commune.

L'ensemble néo-classique des 16 à 22 rue du Viaduc (© MRBC-DMS)

En période de crise du logement, il paraît regrettable de démolir des maisons historiques qui, par leur typologie, pourraient aisément être rénovées en une douzaine de logements. Par ailleurs, ce ne sont pas les bureaux vides susceptibles d’accueillir les extensions de l’administration communale qui manquent à proximité. On pense en particulier aux anciens bureaux de Solvay situés à un jet de pierre, rues du Prince Albert et du Prince Royal. Ces bâtiments de bureaux de grande qualité patrimoniale sont, pour leur part, actuellement vides.

L'ancien siège de la société Solvay, rue du Prince Albert (© MRBC-DMS)

Dès lors, ne serait-il pas plus judicieux de simplement rénover les maisons de la rue du Viaduc pour retrouver leur affectation en logement tandis que le siège administratif de Solvay, conformément à sa typologie historique, accueillerait les bureaux communaux ? Pour Pétitions-Patrimoine, il s’agirait là d’une opération win-win alors que le projet actuel s’apparente à une opération lose-lose en terme de préservation du patrimoine.

dimanche 15 septembre 2013

Un survivant du Quartier Léopold

Face au square Frère-Orban, au 40 rue de l’Industrie, se trouve un bel hôtel de maître de style classique. C'est un des rares bâtiments encore debout représentatif de la première urbanisation du Quartier Léopold, quartier bourgeois construit à partir de 1840 en vue de « l’agrandissement et l’embellissement de Bruxelles ». La grande majorité des bâtiments d’origine du quartier ont étés progressivement démolis, en particulier depuis les années 1950-1960 qui ont entamé sa mutation en zone essentiellement administrative. Aujourd’hui, il accueille la plupart des bureaux des institutions européennes et toute la pression immobilière qui l’accompagne. Dans ce contexte, le bâtiment de la rue de l'Industrie est un « survivant » et, avec une centaine d’autres bâtiments répartis sur Bruxelles et Ixelles, est inscrit à l’inventaire légal du Quartier Léopold. Malheureusement, l’inscription à cet inventaire ne constitue pas, en soi, une protection. Au mieux s’agit-il d’une forme de « sonnette d’alarme » en cas de demande de permis.

L'élégant hôtel de maître au 40 rue de l'Industrie
Selon des riverains (oui, il y a encore des habitants dans le quartier !), l’hôtel de maître posséderait une décoration remarquable et serait même pourvu d’un petit théâtre, lui-aussi remarquable.

Malheureusement, le bâtiment est victime d’un abandon prolongé depuis plusieurs années. Aux dernières nouvelles, il aurait été mis en vente à la mi-2009 mais, depuis lors, il reste vide. Cet état est préoccupant car le manque d’entretien risque d’amener à une détérioration des éléments intérieurs remarquables. Et ce genre de dégradation risque à son tour de déboucher sur une demande de permis d’urbanisme de rénovation « lourde », voire carrément de démolition.

La porte surmontée du balcon. On notera le motif de ferronerie qui se répète aux fenêtres

Vu les qualités indéniables et reconnues de ce bâtiment, Pétitions-Patrimoine a dès lors demandé à la Région bruxelloise d’entamer une procédure de classement du bâtiment. Parallèlement, nous avons demandé à la Ville de Bruxelles de dresser le constat d’abandon afin de mettre en œuvre la taxe sur les immeubles abandonnés, dans l’espoir d’inciter le propriétaire à entretienne à nouveau son bien comme il le mérite et à lui trouver un occupant, meilleur gage d’un entretien continu du bien.