Il y a quelque temps déjà que Pétitions-Patrimoine s’inquiétes du sort de l’ancien bâtiment de la RTT sis rue de Molenbeek 198. Ce bâtiment est en effet situé à Laeken dans un îlot en grande partie vide, délimité par la rue de Molenbeek, la rue Claessens, la rue du Tivoli et la rue Dieudonné Lefèvre. Ce vaste îlot situé derrière Tour & Taxis fait l’objet d’un projet de lotissement d’un quartier « durable » mené par la SDRB. Le projet prévoit la création de quatre voiries qui découpent le site en îlots plus petits et a été l’objet d’une étude d’incidence débouchant sur une demande de permis de lotir passé en concertation le 4 janvier 2011.
Vue générale du site depuis la rue Lefèvre avec, au fond, l'arrière du bâtiment RTT |
Par on ne sait quel manque d’attention ou volonté délibérée, il apparaît que, malgré l’espace disponible sur l’ensemble du site, les concepteurs du projet sont parvenus à tracer une des voiries de sorte qu’elle ampute de quatre mètres l’ancien immeuble RTT, impliquant sa démolition, au moins partielle. Or, cet immeuble construit à partir de 1946, suivant les plans de l’architecte Jacques Saintenoy fait une synthèse intéressante d’éléments du style moderniste de la fin des années 1930 (fenêtres en hublots, utilisation extensive de la brique jaune…) et de certains éléments stylistique qui se développeront plus typiquement dans l’après-guerre (dessin de l’encadrements des portes, certaines ferronneries).
Vue depuis la rue de Molenbeek : l'imbrication des parties basse et haute du bâtiment |
L’intérêt du bâtiment tient, pour partie, dans la personnalité de son architecte dont l’œuvre est encore peu documentée mais dont l’inventaire scientifique en cours de réalisation par la DMS révèle une partie des créations. Ces bâtiments datent essentiellement de la fin des années 1920 à la fin des années 1930. En outre, Jacques Saintenoy a participé à la construction de la « nouvelle » Gare du Nord au début des années 1950. Le bâtiment RTT de la rue de Molenbeek constitue donc une œuvre de maturité pour un architecte intéressant, représentatif du courant moderniste à Bruxelles, dont une partie de la production reste sans doute encore à découvrir faute d’inventaire extensif du patrimoine en Région bruxelloise.
La « nouvelle » Gare du Nord juste après sa construction |
Il faut aussi relever l’intérêt architectural spécifique au bâtiment RTT. En effet, celui-ci offre une volumétrie particulière qui, partant de fonctions différentes, imbrique un volume bas dédié originellement à des fonctions économiques (bureau et restaurant) dans un volume haut dont les étages supérieurs sont affectés au logement. Cette conception en deux volumes dissymétriques et imbriqués concourt à donner une image forte à l’immeuble et à en rendre l’organisation interne très lisible depuis la rue. L’imbrication et le contraste des deux parties de l’immeuble s’accompagnent d’un jeu subtil dans le dessin de la façade avec, notamment, de légères saillies ou retrait des différentes parties.
Malgré cela, le permis de lotir demandé par la SDRB qui a reçu un avis favorable de la Commission de concertation en dépit les conclusions du rapport d’incidence du permis de lotir qui préconisait le maintien du bâtiment et la révision du permis en conséquence (léger déplacement de la voirie, réaffectation de l’immeuble).
Depuis lors, cette démolition a été évoquée par deux fois au Parlement bruxellois. En avril dernier, le député Serge de Patoul, déplorant cette démolition, a tout d’abord interrogé Charles Picqué sur son caractère inéluctable. Le Ministre-Président lui a répondu que « le bâtiment est en très mauvais état et que sa stabilité pose question. ». Etrange argument puisque le rapport d’incidence du permis de lotir, datant d’août 2010, décrivait ce bâtiment comme « Globalement, l’immeuble présente un état structurel bon et sain. Seul un petit problème d’humidité est présent au droit du raccord entre la partie horizontale du bâtiment et la partie plus haute. Celui-ci pourrait être facilement solutionné par une réparation en toiture et en façade. » et, dans ses conclusions, recommandait de modifier légèrement une des voiries prévues afin d’éviter de le démolir. On serait étonné qu’en quelques mois un bâtiment en béton armé d’une telle taille se dégrade au point d’en devenir instable.
Face à la contradiction évidente entre les arguments de M. Picqué et le rapport d’incidence, le député revint donc à la charge avec une nouvelle question parlementaire, cette fois auprès de la Ministre ayant la tutelle sur la SDRB, Evelyne Huytebroeck. Dans sa réponse, celle-ci n’envisage à aucun moment la possibilité de dévier la future voirie de quelques mètres pour sauver le bâtiment.
Pétitions-Patrimoine a donc décidé d’interroger également Madame la Ministre sur la possibilité de revoir le permis de lotir afin de déplacer de quelques mètres la future voirie afin de préserver l’ancien bâtiment RTT et d’éviter la création en pure perte des tonnes de gravats de sa démolition car il est aussi de notre souci que le sens du mot « durable » dont est qualifié le projet « Tivoli » ne soit pas ridiculisé par une voirie mal dessinée sur un plan. Le courrier vient de partir... la suite au prochain numéro.
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