En déposant notre pétition de classement pour l’ancienne salle de spectacle Vermeulen à Schaerbeek, nous étions confiants : le bâtiment est rare et remarquable, la mobilisation des habitants importante et l’enjeu économique du projet qui le menaçait initialement était faible (5 appartements). La Région bruxelloise aurait ainsi pu montrer à peu de frais qu’elle reste à l’écoute des demandes citoyennes. Il n’en fut rien, la Région refuse le classement et accorde au promoteur le droit de transformer et morceler l’ancienne salle de spectacle. Le projet est passé le vendredi 7 septembre en concertation à Schaerbeek.
Le 17 février 2012, Pétitions-Patrimoine déposait le dossier complet de demande de classement de l’ancienne salle de spectacle André Vermeulen au 19 de la rue Goossens à Schaerbeek. Parmi les documents, la demande officielle par pétition de près de 450 bruxellois remplies selon les termes légaux du CoBAT (nom, prénoms, adresse, n° de carte d’identité, adresse, date de naissance). Ce nombre important est le résultat d’une forte mobilisation des habitants du quartier qui tiennent à ce patrimoine exceptionnel.
En effet, la salle Vermeulen fait réellement partie de l’histoire du quartier Colignon. Ce bâtiment fut construit en 1889 par la société de Saint Vincent de Paul dans un but social, de loisirs et de festivités. Cela pour aider les jeunes et spécialement les plus démunis. Des initiatives vont voir le jour, qui aujourd’hui, nous paraissent tout à fait normales mais qui étaient révolutionnaires pour leur époque, comme, par exemple, en 1897 la création d’une caisse d’épargne. La salle possède également un intérêt esthétique au vu de son architecture et de ses décorations mais aussi un intérêt technique car ce fut un des tout premiers bâtiments bruxellois éclairés au gaz.
Les experts de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS) furent donc enthousiastes pour soutenir la demande de classement en y donnant un avis positif solidement motivé.
A l’origine de la mobilisation des habitants et association pour la défense de la salle était un projet immobilier la dénaturant en la divisant en 5 appartements. Ce projet avait d’ailleurs été par deux fois rejeté en Commission de concertation, en juin et novembre 2011. La pétition de classement avait dès lors pour but d’éviter qu’un nouveau projet, à nouveau à peine amendé, ne soit remis sur la table et que le classement permette d’orienter une fois pour toute une rénovation de la salle qui prenne en compte ses qualités historiques. En acceptant le classement, le gouvernement bruxellois aurait pu montrer son attachement à préserver un patrimoine intéressant, soutenu par la population du quartier et ceci sans qu’il y ait un enjeu économique colossal attaché à sa préservation. Pourtant, le 19 juillet 2012, en réponse à la pétition de classement et malgré l’avis favorable de la CRMS, le gouvernement bruxellois décidait de ne pas classer la salle Vermeulen.
Dès lors, on se demande à quoi peut bien encore servir le recours à une pétition de classement légale ? Il y a déjà longtemps que le gouvernement refusait d’accorder le classement par pétition d’immeubles ou sites soumis à la pression de gros projets immobiliers (Heron sur l’avenue de la Toison d’Or, ateliers Citroën sur la place de l’Yser, anciens entrepôts Delhaize sur le quai des Péniches, usines Godin au quai de l’Industrie, etc.). Il faut en conclure que, maintenant, ce sont aussi les micro-projets immobiliers qui deviennent intouchables.
Suite à la dernière réforme du CoBAT (Code Bruxellois de l'Aménagement du Territoire) qui en avait réduit la portée légale en 2009, nous avions déjà dénoncé le fait qu’en l’absence de volonté politique du gouvernement, la pétition de classement citoyenne serait réduite à un écran de fumée juridique. Nous n’avions pourtant pas voulu céder au pessimisme et au procès d’intention. Hélas, aujourd’hui, ce cas exemplaire démontre que cette triste prédiction se révèle la réalité.