jeudi 13 septembre 2012

Pétition de classement : la fin des illusions

En déposant notre pétition de classement pour l’ancienne salle de spectacle Vermeulen à Schaerbeek, nous étions confiants : le bâtiment est rare et remarquable, la mobilisation des habitants importante et l’enjeu économique du projet qui le menaçait initialement était faible (5 appartements). La Région bruxelloise aurait ainsi pu montrer à peu de frais qu’elle reste à l’écoute des demandes citoyennes. Il n’en fut rien, la Région refuse le classement et accorde au promoteur le droit de transformer et morceler l’ancienne salle de spectacle. Le projet est passé le vendredi 7 septembre en concertation à Schaerbeek.


Le 17 février 2012, Pétitions-Patrimoine déposait le dossier complet de demande de classement de l’ancienne salle de spectacle André Vermeulen au 19 de la rue Goossens à Schaerbeek. Parmi les documents, la demande officielle par pétition de près de 450 bruxellois remplies selon les termes légaux du CoBAT (nom, prénoms, adresse, n° de carte d’identité, adresse, date de naissance). Ce nombre important est le résultat d’une forte mobilisation des habitants du quartier qui tiennent à ce patrimoine exceptionnel.

En effet, la salle Vermeulen fait réellement partie de l’histoire du quartier Colignon. Ce bâtiment fut construit en 1889 par la société de Saint Vincent de Paul dans un but social, de loisirs et de festivités. Cela pour aider les jeunes et spécialement les plus démunis. Des initiatives vont voir le jour, qui aujourd’hui, nous paraissent tout à fait normales mais qui étaient révolutionnaires pour leur époque, comme, par exemple, en 1897 la création d’une caisse d’épargne. La salle possède également un intérêt esthétique au vu de son architecture et de ses décorations mais aussi un intérêt technique car ce fut un des tout premiers bâtiments bruxellois éclairés au gaz.

Les experts de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS) furent donc enthousiastes pour soutenir la demande de classement en y donnant un avis positif solidement motivé.

A l’origine de la mobilisation des habitants et association pour la défense de la salle était un projet immobilier la dénaturant en la divisant en 5 appartements. Ce projet avait d’ailleurs été par deux fois rejeté en Commission de concertation, en juin et novembre 2011. La pétition de classement avait dès lors pour but d’éviter qu’un nouveau projet, à nouveau à peine amendé, ne soit remis sur la table et que le classement permette d’orienter une fois pour toute une rénovation de la salle qui prenne en compte ses qualités historiques. En acceptant le classement, le gouvernement bruxellois aurait pu montrer son attachement à préserver un patrimoine intéressant, soutenu par la population du quartier et ceci sans qu’il y ait un enjeu économique colossal attaché à sa préservation. Pourtant, le 19 juillet 2012, en réponse à la pétition de classement et malgré l’avis favorable de la CRMS, le gouvernement bruxellois décidait de ne pas classer la salle Vermeulen.

Dès lors, on se demande à quoi peut bien encore servir le recours à une pétition de classement légale ? Il y a déjà longtemps que le gouvernement refusait d’accorder le classement par pétition d’immeubles ou sites soumis à la pression de gros projets immobiliers (Heron sur l’avenue de la Toison d’Or, ateliers Citroën sur la place de l’Yser, anciens entrepôts Delhaize sur le quai des Péniches, usines Godin au quai de l’Industrie, etc.). Il faut en conclure que, maintenant, ce sont aussi les micro-projets immobiliers qui deviennent intouchables.

Suite à la dernière réforme du CoBAT (Code Bruxellois de l'Aménagement du Territoire) qui en avait réduit la portée légale en 2009, nous avions déjà dénoncé le fait qu’en l’absence de volonté politique du gouvernement, la pétition de classement citoyenne serait réduite à un écran de fumée juridique. Nous n’avions pourtant pas voulu céder au pessimisme et au procès d’intention. Hélas, aujourd’hui, ce cas exemplaire démontre que cette triste prédiction se révèle la réalité.

jeudi 9 août 2012

A l'abandon - 06

La série « A l’abandon » a pour but de mettre en lumière certains bâtiments laissés manifestement à l’abandon depuis quelques temps. Il ne s’agit pas spécialement de bâtiments pour lesquels Pétitions-Patrimoine a entrepris une action spécifique, bien que, si c’est le cas, nous l’indiquerons. Il ne s’agit pas non plus toujours de bâtiment faisant l’objet d’une menace directe. Non, il s’agit, ici, de dresser un constat et de se demander pourquoi des bâtiments d’une telle qualité architecturale sont laissés anormalement vides pendant plusieurs mois ou années.

Si vous même, vous connaissez un cas d'immeuble de qualité laissé à l'abandon, n'hésitez pas à nous en faire part. Contactez-nous
 
Rue Lambert Crickx 14 à Anderlecht

Ce bâtiment ouvert à tout vent est situé dans le quartier de Cureghem à Anderlecht et nous a été signalé par une voisine. Il s’agit d’un intéressant petit immeuble à appartement sur rez-de-chaussée commercial. De style éclectique, il incorpore divers éléments Art Nouveau : sgraffites, taille de certaines pierres bleues, petites consoles de corniche. L’intérêt de cet immeuble réside aussi dans le dessin soigné de sa façade qui par ses retraits et divisions met en exergue la verticalité du bâtiment.

L’immeuble date probablement des années 1910, époque où la rue fut tracée à l’emplacement de l’ancienne Ecole Vétérinaire qui déménagea, non loin de là, à l’emplacement qu’on lui connaît actuellement à la bien nommée rue des Vétérinaires. Malheureusement, ce bâtiment remarquable et classé constitue aujourd'hui aussi un beau cas d'abandon, mais c'est une autre histoire...

Le triste état actuel de la façade

L’immeuble semble abandonné depuis plusieurs années mais, à notre connaissance, était encore en bon état avec ses fenêtres intactes à la mi-2009. Il semble donc avoir subi des dégradations relativement récentes et le fait de voir une bonne partie des fenêtres brisées indique un acte de vandalisme délibéré qui risque d’accélérer la ruine du bâtiment. Quoi qu’il en soit, on peut en tout cas craindre que, comme souvent, les boiseries et châssis seront les premiers à souffrir du manque de protection et d’entretien et seront les premiers à être sacrifiés si une rénovation peu réfléchie intervient. Il serait particulièrement dommage de voir disparaître les châssis d’origines dont la fine division des impostes joue un rôle important dans l’esthétique de la façade.

Dans la même série, voir aussi :
A l'abandon - 01 (boulevard Wahis, 35)
A l’abandon - 02 (boulevard Jaspar 102 et 103)
A l’abandon - 03 (chaussée d’Alsemberg 323)
A l'abandon - 04 (rue Paul Devigne 5)
A l’abandon - 05 (chaussée de Wavre 308 – Maison Hap)

mercredi 18 juillet 2012

PRAS démographique : pour qui exactement ?




L’enquête publique sur l’adoption du « PRAS démographique » s’est achevée récemment, le 13 juillet dernier. Le PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol) est le plan régional qui défini les affectations (logement, commerce, bureau, espaces verts, industrie…) sur l’ensemble du territoire bruxellois. Il défini sur une carte des zones (« zone de logement », « zone de forte mixité », « zone d’industrie urbaine »…) pour lesquelles des prescriptions définissent ce qu’il est possible d’implanter comme affectations, dans quels proportions et dans quels conditions. Par exemple, en « zone de logement à prédominance résidentielle », il est possible de construire des hôtels de maximum 20 chambres alors qu’en « zone de forte mixité », les hôtels peuvent avoir un maximum de 80 chambres. Le PRAS défini aussi les possibilités de dérogations, notamment par l’adoption de PPAS (Plans Particuliers d’Affectation du Sol) et des prescriptions plus générales comme la prescription 0.9. qui donne la possibilité de déroger aux prescriptions d’une zone donnée afin de ré-affecter un bâtiment classé.

Pour ce qui concerne plus directement le patrimoine, outre cette prescription 0.9., le PRAS défini une prescription ZICHEE (« zones d’intérêt culturel, historique, esthétique ou d’embellissement ») pour une série de périmètres défini sur la carte en surimpression des affectations principales. Malheureusement, la portée de la ZICHEE est minime. Il est simplement prévu de demander un avis de la Commission de concertation lors de projets de démolitions ou transformations visibles depuis l’espace public… mais pas d’enquête publique. La portée de cette prescription reste donc en partie en dehors du débat public et, sans portée vraiment contraignante, n'empêche pas les démolitions de bâtiments de valeur.

Les prescriptions et cartes du PRAS sont consultables en ligne à cette adresse.

Pourquoi revoir le PRAS ?

La mise à l’enquête du « PRAS démographique » est, en fait, essentiellement une modification partielle du PRAS adopté en 2001, avec pour objectif affiché par le gouvernement régional de répondre au « boom démographique » bruxellois, ainsi que de mettre en œuvre son PDI (Plan de Développement International). On notera au passage que ce PDI est un plan non prévu par la législation qui a été adopté sans enquête publique et qui vise essentiellement à définir l’aménagement de certaines zones (abords de la gare du Midi, Delta, Heysel…) en vue de développer la « vocation international » de Bruxelles. La définition et la pertinence de ce développement n’a jamais été vraiment débattu publiquement et a fait l’objet de plusieurs critiques : voir ici ou ici.
Le développement du Heysel tel que porté par le PDI : grand centre de congrès, centre commercial…        sans débat public

La réaction de Pétitions-Patrimoine et des associations

Dans le cadre de l’enquête publique, Pétitions-Patrimoine, ainsi que IEB et plusieurs associations d’habitants s’est penché sur les 1.200 pages du projet de révision du PRAS et de son étude d’incidence. Si chacune des associations a étudié ce plan en fonction de ses préoccupations propres (territoriales et/ou thématiques), on constate une certaine convergence dans les critiques. Ce plan est prématuré alors que le PRDD (Plan Régional de Développement Durable), qui est le plan d’orientation générale de la Région, est en cours d’élaboration. Par ailleurs, les données et analyses démographiques qui fonde la révision du PRAS sont discutables. Enfin, les solutions proposées par le PRAS, comme la création d’une nouvelle « zone d’entreprise en milieu urbain » (ZEMU – largement ouverte au logement) au lieu de zones d’industrie ne résoudront pas le problème du logement pour la population à venir tout en risquant de faire perdre à Bruxelles de précieux terrains industriels susceptibles de fournir de l’emploi aux habitants, en particuliers les moins qualifiés.

Le PRAS démographique est-il taillé sur mesure pour ce type de projets de promotions privées de luxe ?     (ici, le projet Rives le long du canal à Anderlecht à la place de zones d'industries)

Il est possible de télécharger au format PDF les analyses et réclamations officielles de plusieurs associations dont Pétitions-Patrimoine sur le site d’IEB à cette adresse, ainsi que l’avis d’IEB à celle-ci.

L’analyse de Pétitions-Patrimoine


De notre côté, nous nous sommes attelés à une analyse de l’ensemble des prescriptions du PRAS, partant du principe que ce plan forme un tout et que sa modification doit aussi prendre en compte une analyse de ses effets (pas toujours positifs pour le patrimoine) depuis son adoption il y a plus de dix ans. En tant qu’association de défense du patrimoine, nous nous sommes attaché à l’analyse des prescriptions ayant directement trait au patrimoine (ZICHEE…) mais aussi des prescriptions liées à l’affectation du sol qui ont ou risquent d’avoir un impact négatif sur le patrimoine bruxellois au sens large. C’est pourquoi, nous avons porté un regard attentif sur les prescriptions potentiellement génératrices de démolitions ou d’abandons spéculatifs.

Notre document d’analyse étant assez long et technique, nous vous en proposons ici la partie qui concerne la philosophie générale du plan sans entrer dans le détails des prescriptions que l’on peut retrouver dans le document complet à télécharger ici.

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(extrait de l’avis de Pétitions-Patrimoine sur le PRAS démographique)

Critique de la philosophie générale du PRAS démographique

Il nous semble particulièrement anormal que le projet de modification du PRAS démographique soit adopté avant la réalisation et l’adoption du PRDD actuellement en cours d’élaboration et dont l’objectif est de définir préalablement les grandes orientations du « projet de ville » pour la Région de Bruxelles-Capitale. Le PRAS, qui ne devrait être que le « plan d’exécution » du PRDD, va ainsi prendre et figer des orientations importantes pour le développement de la Région en court-circuitant les débats et réflexions qui devraient avoir lieu dans le cadre le l’élaboration du PRDD. Par exemple, par la création d’un nombre significatif de ZEMU le long de l’axe du canal, le PRAS impulse une dynamique de transformation résidentielle de cet axe au détriment de l’industrie et des activités productives ou de manutention, ceci, alors qu’aucun débat préalable global n’a eu lieu sur la place de ces activités (et de l’éventuelle relocalisation de l’industrie) en Région bruxelloise, débat qui doit s’inscrire dans une réflexion générale qui inclue notamment le type d’emploi désiré et adéquat pour la population bruxelloise, la problématique des transports des marchandises et de la navette des travailleurs, l’augmentation inéluctable des coûts de l’énergie (pic pétrolier, demande mondiale en hausse…), la préservation du patrimoine industriel comme mémoire collective…

La justification de l’adoption rapide et précipitée de ces modifications du PRAS par la nécessité de répondre à une demande de logement induite par l’augmentation prévue de la population bruxelloise nous paraît peu étayée et réductrice. Peu étayée et réductrice car, dans l’arrêté soumis à l’enquête publique, l’étude des besoins se base sur un rapport simpliste de surface disponible/population en fonction de moyennes régionales (surface/logement…) dont la pertinence est discutable. Rien n’est dit sur la composition socio-économique des nouveaux habitants (pauvres, riches, moyens ?) ou sur leur pyramide des âges (ce qui influe fortement sur la taille et composition des ménages et les besoins en équipements). Il manque d’ailleurs une réelle analyse des besoins en équipements divers (écoles, maisons de retraite, hôpitaux…) nécessaires à l’accompagnement de cette expansion démographique.

De plus, le PRAS en tant que simple plan d’affectation ne nous paraît pas l’outil le plus susceptible d’apporter une réponse aux besoins de logement futures de la population. Par exemple, pourquoi se précipiter à ouvrir, via les ZEMU, de nouvelles zones généralement peu propices au logement (zones industrielles polluées, mal connectées au réseau de transport publiques… cfr. analyse point 4bis plus bas) alors que l’expérience nous montre que le programme des grandes ZIR susceptibles d’accueillir du logement et définies par le PRAS il y a plus de 10 ans (Gare de l’Ouest, Gare Josaphat, Tour et Taxis…) n’ont pas encore vu la moindre réalisation concrète en terme de logement ? Ceci démontre que le PRAS n’apparaît être qu’un outil partiel s’il ne s’accompagne pas de la mise en place préalable d’outils de maîtrise du foncier, de captation des plus-values et d’orientation sur la nature du logement (par exemple par l’obligation d’une proportion de logement social à mettre en œuvre dans les projets). L’adoption d’une modification du PRAS avant la mise en place de ces outils nous paraît mettre la charrue avant les bœufs car l’ouverture tout azimut de nouvelles surfaces destinées au logement ne garanti en rien leur urbanisation effective et, encore moins, d’une manière susceptible de répondre aux besoins de la population (par exemple par la création d’une proportion significative de logement social).

Enfin, il nous paraît particulièrement anormal que le projet de modification partiel du PRAS ne s’appuie pas sur une analyse critique, systématique et détaillée du fonctionnement et des conséquences du PRAS depuis qu’il a été adopté en 2001. Quels impacts ont eu ses prescriptions ? Quels effets pervers a-t-on pu éventuellement relever ? Quelles prescriptions s’avèrent inutilisables, inutilisées ou obsolètes ?

Au final, l’impression qui se dégage de la proposition de révision du PRAS soumise à l’enquête publique est celle d’un plan partiel qui, sous couvert de démographie, est principalement destiné à répondre de manière opportuniste à un certain nombre de projets de promotion immobilière (NEO, City Docks, hôtel sur le site du couvent Gésù…). Ceux-ci ne sont d’ailleurs souvent pas nommément cités et explicités dans les documents à l’enquête publique. Ce genre de pratique d’une planification ad hoc, faite pour répondre aux demandes peu transparentes du secteur immobilier, a déjà engendré de nombreux abus et erreurs dans la création de PPAS locaux par le passé, ceci sans d’ailleurs toujours rencontrer le succès escompté en terme de réalisation effective. Pour Pétitions-Patrimoine, ce type de planification répondant sans le dire plus à des intérêts particuliers que généraux doit être proscrit, d’autant plus dans un plan à portée régionale.

En conséquence, Pétitions-Patrimoine considère que la révision du PRAS devrait être abandonnée à ce stade et être remise en œuvre lorsque les conditions suivantes auront été établies :
– adoption du PRDD dans le cadre d’une vaste campagne de diffusion de l’information (démographie, études économiques, étude du foncier, santé…) et d’une large enquête publique ouverte permettant aux habitants de faire émerger les questions et préoccupations qui les concernent ;
– évaluation complète et indépendante des effets des prescriptions du PRAS actuel et de ses lacunes en terme d’opérabilité ;
– mise en place d’outils réglementaires permettant une maîtrise du foncier et une captations des plus-values par les pouvoirs publics, assorti des outils pour le nécessaire contrôle démocratique permanent de leurs usages.

dimanche 15 juillet 2012

Maison de l’histoire européenne : le Parlement doit d’abord rendre public le programme muséographique

Installer une « Maison de l’histoire européenne » à Bruxelles dans le parc Léopold et dans le quartier européen, pourquoi pas, si, après le Parlamentarium, la pertinence de l’installation d’un deuxième équipement de communication du Parlement européen est démontrée en ces temps d’austérité. S’il s’agit également de susciter l’adhésion des citoyens européens à un projet politique qu’ils ne comprennent plus, est-il cohérent de le faire sans respecter un espace vert protégé situé dans un quartier particulièrement dense et encombré ? Nous attendons de ces institutions, que nous avons accueillies à Bruxelles avec bienveillance et au prix du sacrifice d’une part importante de notre cadre de vie, qu’elles respectent d’abord les valeurs et les devoirs qui fondent l’idéal européen, en particulier lorsqu’il s’agit de son patrimoine architectural et paysager, d’autant plus quand il est question de mettre en valeur l’histoire de l’Europe.

L'Institut dentaire Georges Eastman et ses proportions soignées, juste après sa construction en 1935 - ©Universiteitsbibliotheek UGent [open] - cliquer pour agrandir

Le Parc Léopold s’inscrit dans la permanence

C’est une des rares parcelles de ce secteur de Bruxelles à ne jamais avoir été bouleversée par la constante modernisation fonctionnelle du quartier, on y trouve les traces les plus anciennes du paysage originel de la vallée du Maelbeek. C’est un écrin pour chacun des bâtiments remarquables qui y ont été construits et c’est un îlot de calme et d’harmonie dans un environnement hétéroclite à la qualité architecturale et urbanistique souvent déficiente. Le secteur associatif bruxellois a su le protéger en contribuant activement à son classement en tant que site en 1976 et pour plusieurs de ses bâtiments en 1987-1988. Le site est par ailleurs situé en Zone d’Intérêt Culturel Historique Esthétique et d’Embellissement.

L’Institut dentaire George Eastman s’inscrit dans une filiation

L’Institut Eastman a été construit en 1934-1935 par l’architecte Michel Polak qui est largement reconnu pour son œuvre, particulièrement à Bruxelles durant les années 1920-1930 (Villa Empain, Résidence Palace, Hôtel Plaza, ancien bâtiment de la RTT rue des Palais). Il a marqué de son empreinte de nombreux immeubles aux programmes architecturaux uniques et parmi ceux-ci l’Institut dentaire, financé par le mécène américain George Eastman à la suite d’autres opérations analogues réalisées à Stockholm, Paris, Rome, New York et Londres. Il faut noter que toutes ces institutions, sauf la bruxelloise, fonctionnent encore aujourd’hui dans le respect de leur vocation prophylactique et sociale d’origine.

Le projet de la « Maison de l’histoire européenne » s’inscrit dans le contexte dérégulateur du quartier européen

Il faut se rappeler que si l’Institut Eastman n’a pas été classé dans la foulée d’autres bâtiments du Parc Léopold en 1988, on le doit déjà au Parlement européen qui souhaitait y garder les coudées franches pour y aménager des salles de réunion. L’irrespect d’hier autorise donc aujourd’hui les atteintes au patrimoine. La désinvolture face aux normes en matière d’urbanisme et de patrimoine dans le parc Léopold est le reflet de ce qui se passe sur la rue Belliard (tour Van Maerlant, projet de démolition/reconstruction de l’ancienne BACOB) dans le sillage du « Projet urbain Loi ». L’auteur du projet architectural ne s’est pas privé de justifier sa surélévation de 3 étages du bâtiment ancien par les nouveaux gabarits envisagés aux abords du parc et par l’éclectisme stylistique des immeubles situés en dehors du site classé. Il signale, par contre, qu’à Paris, il avait dû enterrer le programme qui lui avait été imposé pour le Petit Palais, Bruxelles n’étant pas Paris, son patrimoine ne semble pas digne d’une telle attention.

Le projet de la « Maison de l’histoire européenne » ne s’inscrit pas dans la transparence

La demande de permis a été discutée ce 19 juin 2012 en commission de concertation de la Ville de Bruxelles. Le projet a reçu une volée de bois vert de la part des habitants, représentés par l’Association du Quartier Léopold (AQL) mais aussi des associations telles que l’ARAU, Europa Nostra et Pétitions-Patrimoine. Pour comprendre pourquoi il était nécessaire de doubler le volume du bâtiment Eastman, les habitants ont demandé que le programme muséographique, à partir duquel les architectes avaient à travailler, soit rendu public. Il est effectivement indispensable de connaître la qualité, la répartition et les superficies des fonctions d’un tel musée (exposition permanente et/ou temporaire, locaux administratifs, espaces d’accueil, cafétéria, boutique…) pour pouvoir évaluer ce projet en toute connaissance de cause. Le représentant de l’administration du Parlement européen a fini par déclarer que cette information n’avait pas à être rendue publique.

Une concertation publique et un avis déconcertant

L’avis de la commission de concertation est un modèle de langue de bois : 
« Considérant que l’extension qui se situe dans la cour et en couronnement s’articule dans la composition des volumes du bâtiment existant » ;
« Considérant que le projet constitue un défi technique de créer un musée à la fois fonctionnel, accessible pour tous et sécurisé ».
Voilà un florilège d’arguments technocratiques et tautologiques visant à lever tout obstacle à la défiguration de ce qui doit, y compris dans le site classé du parc Léopold, s’adapter aux principes de la révolution immobilière permanente d’un quartier européen qui ne veut pas oublier qu’il s’appelle Léopold. Les Bruxellois ne sont pas des citoyens européens de seconde zone et ne peuvent s’accommoder d’un tel déni ni de la part des pouvoirs publics qui les représentent ni de la part des institutions européennes qu’ils ont accueillies. Ils exigent d’abord une publication du programme muséographique afin que chacun puisse évaluer si les fonctions qu’il impose aux architectes ne font pas double emploi avec le Parlamentarium, ou avec l’offre urbaine de la place Jourdan toute proche.

Ils demandent ensuite que le projet de musée soit redimensionné afin de le rendre compatible avec la conservation du patrimoine du parc Léopold, en accord avec les principes de la Charte de Venise (1) qui sont reconnus par les instances internationales et qui sont généralement d'application sur tout le territoire européen. La restauration exemplaire et récente de la Villa Empain (réalisée par la Fondation Boghossian) est bien la preuve qu'une activité culturelle ouverte bien au-delà des frontières de l'Europe rayonne aussi par la qualité tout en mesure de son installation dans cet autre bâtiment remarquable de Michel Polak. Le Parlement européen ne devrait pas s'exonérer de la règle commune en tirant profit d'une faille administrative (absence de classement). Nous ne nous attendons certainement pas de cette grande institution, à laquelle nous sommes tous attachés, qu'elle s'assujettisse à la rhétorique encombrante et mercantile qui semblent conduire l'ensemble du projet européen vers un avenir auquel les bruxellois comme tous les citoyens européens ne pourront adhérer.

(1) :  Article 6 en particulier : « La conservation d'un monument implique celle d'un cadre à son échelle. Lorsque le cadre traditionnel subsiste, celui-ci sera conservé, et toute construction nouvelle, toute destruction et tout aménagement qui pourrait altérer les rapports de volumes et de couleurs seront proscrits. »

Signataires : Association du Quartier Léopold, ARAU, Pétitions-Patrimoine, Fondation Boghossian (Villa Empain)


Disparition de l'ancien Chalet Scolaire de Calvoet

Début juin, les infrastructures historiques de l’ancienne Colonie du Jour d’Uccle Calevoet (1912) ont finalement été démolies malgré diverses tentatives de quelques riverains pour les sauver. L’ensemble situé rue E. Van Ophem et aménagé en 1912 (il y a tout juste 100 ans) pour le compte du Cercle des Éclaireurs des Deniers des Écoles (organisation émanant de la Ligue de l'Enseignement), constituait pour l’histoire locale et régionale un rare témoin de l’action sociale du début du XXe siècle en faveur des enfants démunis. À plusieurs niveaux cet ensemble remarquable méritait qu’il soit préservé tant il caractérisait le contexte sociopolitique et culturel de l’époque qui le vit naître. L’architecte en était le philanthrope Raymond Foucart qui fut par ailleurs bourgmestre de Schaerbeek de 1921 à 1927.

Le Chalet Scolaire et son préau peu après sa construction

Vue du pignon depuis la rue peu avant la démolition

Nous sommes évidemment déçus par cette démolition mais pas pour autant étonnés. D’expérience, la Commune d’Uccle ne s’est que rarement montrée très réceptive à la protection de son patrimoine. Que l’on se rappelle, par exemple, le cas de la villa Pelseneer (av. Winston Churchill) ou de la villa Cohen (av. J. et P. Carsoel) toutes deux sauvées in extremis par leur classement ou par la disparition du 199 av. Brugmann ou de la villa Firwood (av. du Prince d’Orange), on ne peut pas dire que la Commune ait joué un rôle d’avant garde dans la reconnaissance et la volonté de préserver le patrimoine… que du contraire.

Pourtant, dans un premier temps, la découverte des plans originaux par l’ACQU (Association des Comités de Quartiers Ucclois) ainsi que de l’identité de l’architecte - et de fil en aiguille de l’historique de l’immeuble - avait provoqué l’enthousiasme de nombreuses personnes notamment au sein de l’administration communale. L’échevin lui-même avait, lors de la première Commission de concertation de septembre 2010, montré de l’intérêt pour le Chalet Scolaire et son singulier jeu de colombage en façade. Or, aux yeux du maitre d’œuvre (la firme BPI), les édifices historiques portaient « atteinte à la qualité architecturale et à l’esthétique de l’environnement urbain » et constituaient donc une nuisance pour la  commercialisation des bâtiments voisins alors en cours d’achèvement. Il semble évident que cet argument douteux n’avait pour réel objectif que d’obtenir la réalisation du projet sans délai et sans s’encombrer des derniers vestiges architecturaux présents sur le site.

Les plans retrouvés (ici le préau) montre l'originalité de son architecture

Un compromis réaliste aurait pu être adopté tant en faveur du patrimoine architectural que des intérêts de la firme BPI. Ceci dans la mesure où il aurait été possible de construire sur l’ancien terrain de sport de la Colonie tout en maintenant l’immeuble principal du site, à savoir le Chalet Scolaire et son préau. Malgré son âge respectable cet ensemble architectural était, jusqu’il y a peu, encore en excellent état de conservation. Comme il n’occupait qu’un infime partie du terrain à lotir, son maintient ne nuisait en aucune sorte, ou alors si peu, à l’investissement financier escompté. Le développement de ce vaste terrain aurait eu le mérite de se faire de manière équilibrée, en dialogue avec les caractéristiques originelles et patrimoniales des lieux.

Au début de mois de juin, en même temps qu’a lieu la démolition, l’enquête publique pour le lotissement du terrain était en cours. Le lotissement tel que proposé ainsi que la disposition des bâtiments futurs se révèle, sans beaucoup de surprise, banal et sans créativité. C’est d’autant plus frustrant car il n’aurait donc pas été beaucoup plus compliqué d’y intégrer le chalet scolaire. L’effort n’a simplement pas été accompli. C’est évidemment plus facile d’adopter le principe de la tabula rasa. Pourquoi s’encombrer de contraintes ? La qualité architecturale et la valeur historique du pavillon scolaire auraient toutefois pu donner au futur quartier en cours d’urbanisation l’âme, l’identité et la saveur qui maintenant lui manqueront cruellement. A la place, nous aurons un banal lotissement périurbain supplémentaire…

On regrettera que la Commune qui aurait pu conduire cet arbitrage pas trop compliqué (vu la surface disponible, même sans démolition du patrimoine) entre sauvegarde du patrimoine et développement de son territoire par un promoteur privé, n’a pas du tout joué son rôle de garant du bien public dans cette histoire. D’une part, les recherches en archives qui ont révélé l’intérêt historique du Chalet Scolaire dans ses propres archives ont été réalisé par le comité de quartier (ACQU) et, d’autre part, une fois cet intérêt révélé, la Commune n’a pris aucune décision pour empêcher la destruction du bâtiment alors qu’elle avait la possibilité de mettre cette condition minime à l’octroi du permis. Ce manque d’initiative paraît assez effarant et, manifestement, ce n’est pas cette fois que la Commune d’Uccle fera mentir sa triste réputation d’insensibilité au patrimoine.

jeudi 21 juin 2012

La Maison Hap - A l'abandon - 05

La série « A l’abandon » a pour but de mettre en lumière certains bâtiments laissés manifestement à l’abandon depuis quelques temps. Il ne s’agit pas spécialement de bâtiments pour lesquels Pétitions-Patrimoine a entrepris une action spécifique, bien que, si c’est le cas, nous l’indiquerons. Il ne s’agit pas non plus toujours de bâtiment faisant l’objet d’une menace directe. Non, il s’agit, ici, de dresser un simple constat et de se demander pourquoi des bâtiments d’une telle qualité architecturale sont laissés anormalement vides pendant plusieurs mois ou années.

Si vous même, vous connaissez un cas d'immeuble de qualité laissé à l'abandon, n'hésitez pas à nous en faire part. Contactez-nous

Chaussée de Wavre 308 à Etterbeek

Un bien triste spectacle se présente à nous lorsque nous remontons la chaussée de Wavre vers la Chasse, à Etterbeek.

Juste avant le Jardin Félix Hap, deux hôtels de maîtres du XIXe siècle présentent leurs façades décrépies. Le plus vastes d'entre eux (n° 508) est précédé de barrières de protection. En effet, depuis le dernier hiver, plusieurs consoles de la corniche se sont effondrées sur le trottoir.

Cet édifice, pourtant, est classé. Il appartient, ainsi que le jardin, à la Commune d'Etterbeek, qui l'a reçu en legs des derniers héritiers de la lignée Hap. Le jardin, reconnaissons-le, est entretenu avec soin, et géré de façon à associer harmonieusement le souci de conserver son caractère historique et d'y accueillir la biodiversité. Il en va tout autrement de l'immeuble.

La maison Hap en 1994 (© MRBC-DMS)

Une histoire qui remonte au XVIe siècle

L'ensemble, pourtant, est reconnu pour sa valeur historique. Dès le XVIe siècle, s'y dressait un castel - dont il reste une ruine dans le jardin - au creux de la vallée du Broebelaar. Ce ruisselet an nom un peu irrévérencieux (broubeler signifie marmonner en bruxellois), était alimenté par des sources abondantes, aux eaux si pures, qu'en 1601, les Archiducs Albert et Isabelle les firent capter pour les fontaines de la Warande, jardins du Palais du Coudenberg, leur résidence. Ils firent bâtir un aqueduc acheminant les eaux vers Saint-Josse-ten-Noode, où une machine hydraulique les élevait vers une tour hydraulique bâtie sur les murs de la ville.

En 1804, sous le régime français donc, Albert-Joseph Hap, maire d'Etterbeek achète le domaine. Il sera le premier d'une lignée de notables locaux, industriels (tanneries et brasserie), puis notaires, bourgmestres à leurs heures…

En 1859, François-Louis Hap obtient l'autorisation de construire la maison actuelle. Celle-ci sera agrandie et transformée par l'architecte Thoelen en 1905.

A l'intérieur, au rez-de-chaussée, on découvre l'ancienne étude, avec ses guichets en bois et son vitrail Art Nouveau, ainsi que les salons d'apparat, dont le central est décorée de six peintures murales dues à Edouard Navez (1840 - 1910). Réalisées vers 1890, elles représentent d'anciennes vues d'Etterbeek : l'ancienne église Sainte-Gertrude, le moulin à vent de la Chasse, l'ancienne ferme Servaes, etc.

Les plafonds à caisson, les papiers peints d'origine… ont aussi quelque intérêt.

Laissée à l’abandon par la Commune depuis près de cinq ans

La maison Hap - état actuel

Elle fut un temps occupée par un collectif d'artistes, à titre précaire. Lorsque la Commune est entrée en possession du bâtiment, elle fit procéder à leur expulsion. Depuis, l'immeuble est vide. Et son état préoccupant. La façade arrière s'affaisse, elle semble connaître des problèmes d'humidité. En 2008, Pétitions-Patrimoine, inquiet de l’inoccupation du bien, avait interpellé la Commune et la Région à son sujet. La Commune avait répondu en expliquant les mesures prises en vue de combattre l’instabilité et la mérule mais notre inquiétude quant à la dégradation possible de la maison restait grande face à l’absence de plan pour sa ré-affectation. Hélas, quatre ans plus tard, nos craintes se confirment.

Des éléments de la corniche s'éffondrent

L'arrière de la maison n'est pas sans problèmes...

...avec des boiseries qui pourrisent faute d'entretien...

...des ferroneries qui rouillent et se déforment en faisant éclater la pierre...

...et, plus grave encore, la partie arrière du bâtiment qui s'affaisse et se détache du reste.

Restaurer le bâtiment coûtera cher, certes, et la Commune d'Etterbeek ne roule sans doute pas sur l'or. Néanmoins, elle a reçu en héritage un bien d'une valeur historique certaine, et pourrait imaginer, en synergie avec le monde associatif local, une affectation qui combinerait des activités citoyennes, culturelles avec des activités plus rémunératrices (location de salles)…

Plus elle attend, plus cher coûtera la réhabilitation. Et puis, il conviendrait à un pouvoir public de se montrer exemplaire en terme de gestion d'un patrimoine d'une telle valeur.

L'hôtel de maître est classé comme Monument depuis le 9/03/1995. Le Jardin Jean Félix Hap a fait l'objet d'un Classement comme site le 29/06/2000.

Dans la même série, voir aussi :
A l'abandon - 01 (boulevard Wahis, 35)
A l'abandon - 02 (boulevard Jaspar 102 et 103)
A l'abandon - 03 (chaussée d’Alsemberg 323)
A l'abandon - 04 (rue Paul Devigne 5)

jeudi 7 juin 2012

A l'abandon - 04

La série « A l’abandon » a pour but de mettre en lumière certains bâtiments laissés manifestement à l’abandon depuis quelques temps. Il ne s’agit pas spécialement de bâtiments pour lesquels Pétitions-Patrimoine a entrepris une action spécifique, bien que, si c’est le cas, nous l’indiquerons. Il ne s’agit pas non plus toujours de bâtiment faisant l’objet d’une menace directe. Non, il s’agit, ici, de dresser un simple constat et de se demander pourquoi des bâtiments d’une telle qualité architecturale sont laissés anormalement vides pendant plusieurs mois ou années.

Si vous même, vous connaissez un cas d'immeuble de qualité laissé à l'abandon, n'hésitez pas à nous en faire part. Contactez-nous

Rue Paul Devigne 5 à Schaerbeek

Dans la foulée de notre précédent article, voici un nouvel exemple d’une belle maison de ville laissée à l’abandon. Nous sommes au n° 5 de la rue Paul Devigne à Schaerbeek où nous trouvons une maison Art Nouveau qui ne manque pas de caractère. Sa simple façade cimentée sur soubassement de pierre bleue est rehaussée de beaux éléments typiquement Art Nouveau. On remarquera aussi particulièrement sa fenestration variée, les ferronneries de son balcon et le dessin subtil et soigné de l’ensemble de ses boiseries (portes et fenêtres). La maison est due à l’architecte Bartholeyns. Ce dernier ne nous est connu que pour l’ensemble de maisons éclectiques mêlant les styles Beaux-Art et Art Déco construites en 1923 à l’angle des rues Van Hammée 53 à 61 et Albert De Latour 56 à 64 à Schaerbeek.

Une maison arrivée intact jusqu'à nous

La maison est abandonnée depuis deux ou trois ans. Nous espérons qu’il s’agit ici d’une situation qui ne perdurera plus trop longtemps. Toutefois, face à ce type de patrimoine arrivé intact jusqu’à nous, il faut toujours craindre que sa « reprise en main » par un nouveau propriétaire ne s’apparente à un dur réveil traumatisant (voir le cas du 4, av. Rogier) et qu’une rénovation intempestive vienne mettre à mal les châssis et boiseries qui font tout l’intérêt de cette maison.

Dans la même série, voir aussi :
A l'abandon - 01 (boulevard Wahis, 35)
A l'abandon - 02 (boulevard Jaspar 102 et 103)
A l'abandon - 03 (chaussée d’Alsemberg 323)

A l'abandon - 03

La série « A l’abandon » a pour but de mettre en lumière certains bâtiments laissés manifestement à l’abandon depuis quelques temps. Il ne s’agit pas spécialement de bâtiments pour lesquels Pétitions-Patrimoine a entrepris une action spécifique, bien que, si c’est le cas, nous l’indiquerons. Il ne s’agit pas non plus toujours de bâtiment faisant l’objet d’une menace directe. Non, il s’agit, ici, de dresser un simple constat et de se demander pourquoi des bâtiments d’une telle qualité architecturale sont laissés anormalement vides pendant plusieurs mois ou années.



Si vous même, vous connaissez un cas d'immeuble de qualité laissé à l'abandon, n'hésitez pas à nous en faire part. Contactez-nous

Chaussée d’Alsemberg 323 à Forest

Pour cette troisième étape de notre série « A l'abandon », nous nous retrouvons à Forest, au 323 chaussée d’Alsemberg, pas loin de la place Albert. Nous y trouvons une jolie maison de ville datant probablement du début du XXe siècle. Son style emprunte quelques éléments Art Nouveau (corniche, jeu de briques colorées), mêlés à des éléments plus pittoresques comme le soubassement en moellons.


A l'abandon depuis plus de dix ans

La maison est abandonnée depuis plus d’une dizaine d’années et, malheureusement, commence à souffrir de la situation : les ferronneries du balcon ont disparues, des traces d’infiltrations sont visibles sur la façade, des plantes prennent racines et l’ensemble des boiseries devraient être repeintes au plus vite.

Le garde-corps du balcon a disparu et diverses dégradations apparaissent

Récemment, des barrières Nadar ont été posées devant la maison et la porte d’entrée a été grossièrement renforcée.

Porte d'entrée

Le dessin de corniche ne manque pas de cachet

Dans la même série, voir aussi :

A l'abandon - 01 (boulevard Wahis, 35)
A l’abandon - 02 (boulevard Jaspar 102 et 103)

jeudi 24 mai 2012

Eastman massacre

Note : la Commission de concertation ayant été reportée, une nouvelle enquête publique a lieu du 26 mai au 9 juin. La nouvelle réunion de concertation aura lieu le 19 juin. Il est donc toujours possible de consulter le dossier à l'enquête à la Ville de Bruxelles (service Urbanisme) et de réagir durant la durée d'enquête ou lors de la réunion de concertation.
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L'enquête publique sur la transformation de l'ancien Institut Eastman en « Maison de l'histoire européenne » est en cours jusqu'à demain. Après l'ARAU et l'AQL, Pétitions-Patrimoine réagit à ce nouvel exemple d'inadapation d'un programme architectural démesuré à un bâtiment remarquable... ou comment bourrer deux fois trop de m2 en écrasant le patrimoine sensé l'accueillir.

L'Institut dentaire Eastman - photo © SashM

Un patrimoine unique

L’Institut Eastman est un bâtiment remarquable construit en 1934-1935 par l’architecte Michel Polak. L’architecte suisse Michel Polak (1885-1948) est aujourd’hui largement reconnu pour son œuvre architecturale exceptionnelle, particulièrement à Bruxelles durant les années 1920-1930 : Villa Empain, Résidence Palace, Hôtel Plaza, RTT (rue des Palais)… Maniant avec brio les styles de l’époque (Art Déco, Beaux-Art, modernisme classique), Michel Polak a marqué de son empreinte plusieurs immeubles aux programmes architecturaux uniques. Parmi ceux-ci, il faut noter l’Institut Dentaire George Eastman, implanté dans le Parc Léopold.

Dans un style moderniste teinté d’esprit classique, l’Institut Eastman présente, avec une sobriété d’usage des matériaux, une composition symétrique d’aspect monumentale, jouant essentiellement sur le traitement des volumes du bâtiment. On notera aussi le soin apporté aux détails des décorations et aménagements intérieurs : porte d’entrée en fer forgé, grand hall principal, salle d’attente, salle de conférence… Il n’est sans doute pas utile ici de s’étendre plus longuement sur l’intérêt et les qualités esthétiques, architecturales et historique de l’Institut Eastman car ils sont largement documentés par ailleurs. Voir notament ici et ici (avec plus de photos de détails) et des photos de son inauguration et état en 1935 ici.

Un projet inadapté


Malheureusement, le projet de « Maison de l’histoire européenne » tel que proposé est complètement inadapté au patrimoine sensé l’accueillir. Il est clair que le programme prévu est démesuré par rapport à la capacité de l’Institut Eastman à le recevoir, obligeant à une surélévation destructrice du bâtiment. Le programme d’affectation n’a manifestement pas été étudié et adapté aux possibilités et qualités du bâtiment. Dans le cadre de la réaffectation d’un patrimoine aussi remarquable, une telle démarche est à proscrire, étant l’inverse de la bonne pratique en la matière qui voudrait que l’on définisse le programme en fonction du patrimoine et non l’inverse.

Une vue du projet proposé

D’une part, la surélévation de l’Institut Eastman en détruit irrémédiablement la perception et la volumétrie, en alourdissant considérablement ses proportions et en noyant sa composition d’origine. D’autre part, certains espaces intérieurs sont sacrifiés (perte de perspectives internes notamment). Il n’est pas clair non plus si l’ensemble des éléments décoratifs d’origines encore présents sera conservé.

L'écrasement du Parc Léopold

Par ailleurs, il faut noter l’impact désastreux de la surélévation du bâtiment sur l’ensemble du parc Léopold classé. Alors que les bâtiments implantés dans le parc présentent une certaine homogénéité de gabarits, la surélévation de l’Institut Eastman créerait une rupture disharmonieuse dans cette cohérence d’échelle du bâti. Cette surélévation écrasante serait visible depuis de nombreux points de vue du parc, mettant à mal ses qualités paysagères.

Une vue du projet depuis le parc

L'écrasement du voisinage immédiat

Il faut aussi refuser la surélévation de l’Institut Eastman par rapport à ses voisins, en particulier le Lycée Jacquemain qui le jouxte. La surélévation de l’Institut Eastman aurait un impact négatif sur l’harmonie d’ensemble que forme ces deux bâtiments et aurait un effet d’écrasement sur le Lycée.

A gauche, le Lycée Jacquemain et, à droite, l'Institut Eastman

Le Lycée est un bâtiment intéressant et, aujourd’hui, les gabarits de sa façade monumentale s'accordent à ceux de l'Institut Eastman. La hauteur des corniches des deux immeubles est similaire. La composition des deux façades, malgré que l'une soit éclectique et l'autre moderniste, est empreint d'esprit classique : composition tripartite dont la partie centrale est mise en exergue par l'encadrement de deux ailes latérales. Au centre de la composition se trouve l'entrée principale. Ce dispositif, très académique, est ici joliment décliné sous deux modes : les ailes du Lycée sont plus hautes que la façade centrale, les ailes de l'Institut Eastman sont plus basses, la façade principale débordant assez subtilement par l'arrière de celles-ci.

Quel image pour l'Europe à Bruxelles ?


Enfin, d’un point de vue plus symbolique, l’implantation d’une « Maison de l’histoire européenne » par l’écrasement d’un bâtiment (et d’un site) important du patrimoine bruxellois paraît peu heureux. Au fond, ce projet ne deviendra-t-il pas, via cette manière écrasante de s’implanter sur l’Institut Eastman et dans le parc Léopold, plus emblématique de la manière brutale et urbanistiquement destructrice dont les instances européennes se sont historiquement installées dans Bruxelles ? Le demandeur et les autorités bruxelloises ont-ils vraiment envient de voir un nouveau « Berlaymonstre » ou « Caprice des Dieux » s’installer dans l’imaginaire populaire ? Si les autorités publiques européennes veulent redresser l’image négative en terme d’impact urbain qu’elles ont auprès d’une bonne partie de la population bruxelloise, une première étape serait de renoncer à ce projet si exemplaire d’une démesure écrasante pour le patrimoine et l’urbanité bruxelloise.

jeudi 17 mai 2012

A l'abandon - 02

La série « A l’abandon » a pour but de mettre en lumière certains bâtiments laissés manifestement à l’abandon depuis quelques temps. Il ne s’agit pas spécialement de bâtiments pour lesquels Pétitions-Patrimoine a entrepris une action spécifique, bien que, si c’est le cas, nous l’indiquerons. Il ne s’agit pas non plus toujours de bâtiment faisant l’objet d’une menace directe. Non, il s’agit, ici, de dresser un simple constat et de se demander pourquoi des bâtiments d’une telle qualité architecturale sont laissés anormalement vides pendant plusieurs mois ou années.

Si vous même, vous connaissez un cas d'immeuble de qualité laissé à l'abandon, n'hésitez pas à nous en faire part. Contactez-nous

Avenue Jaspar 102 et 103 à St-Gilles

Pour ce deuxième article de notre série « A l'abandon », nous nous rendrons sur la petite ceinture, juste à côté de la clinique Antoine Depage à St-Gilles. Aux 102 et 103 de l'avenue Henri Jaspar, nous trouvons deux imposantes maisons d’inspiration néo-classique inoccupées depuis quelques années. Ces deux maisons, reprises à l’inventaire du patrimoine régional, sont dues au géomètre H. Leeman et ont été construites en 1865 (n° 103) et 1869 (n° 102). Malheureusement, l’enduit de façade du n° 103 a été enlevé (dérochage), une pratique destructrice, à la mode dans les années 1970 à 1990.
A gauche (enduit blanc), le 102 et, à droite (briques mises à nu), le 103
Les maisons sont en bon état général mais vides depuis plusieurs années. Des travaux de rénovations ont été manifestement entrepris au 103 mais ils semblent aujourd’hui à l’arrêt. Des signes de manque d’entretient de la façade du 102 commence à se faire sentir (craquelures) mais ce n’est pas un phénomène récent et on peut voir ici que, en 2003, alors que la maison était toujours occupée, c’était déjà le cas. Les raisons de l’abandon de ces deux bâtiments ne nous sont pas connues. S’agit-il du même propriétaire ? D’un phénomène spéculatif ? Est-ce lié au voisinage de la clinique Antoine Depage ?

Les maisons sont en bon état même si la façade du 102 mérite un rafraichissement

L’arrière des maisons donne dans la rue Berckmans où on peut voir un arbre remarquable dans le jardin du n° 102 (qui donne au 147, rue Berckmans).

Un arbre remarquable à l'arrière du n° 102 (vue depuis la rue Berckmans)

Récemment, la porte du n° 102 a été « doublée » d’une porte d’aspect utilitaire qui en masque les magnifiques ferronneries datant probablement du début/milieu du XXe siècle. Dans l’imposte, on peut toujours y lire les initiales K et H de la société Keith & Henderson qui occupa le bâtiment.

Etat actuel de l'entrée du n° 102

Dans la même série, voir aussi :
A l'abandon - 01 (boulevard Wahis, 35)

Suspens rue Goossens

La Commission de concertation, réunie le 4 mai dernier, a reporté son avis sur la dernière demande de permis de transformation de la salle Vermeulen (rue Goossens 17-19, voir ci-dessous). L’examen de ce dossier a été reporté à une date encore indéterminée. En effet, l’instruction de la demande de permis est suspendue en raison de notre demande de classement par pétition du « petit théâtre » a été déposée au mois de février (pétition déposée par Pétitions-Patrimoine et soutenue par IEB).
L’instruction reprendra lorsque le Gouvernement notifiera sa décision, d’entamer ou non, une procédure de classement du bien. Le suspens reste entier mais, au moins, comme nous l’avions demandé à la Commission de concertation, les choses sont faites dans l’ordre. A suivre donc…

mercredi 2 mai 2012

Errare humanum est, perseverare diabolicum

Ce vendredi 4 mai 2012, se tiendra à Schaerbeek la troisième Commission de concertation consacrée au projet immobilier visant les 17-19-21 rue Goossens. Cette nouvelle demande de permis menace encore une fois de détruire les qualités patrimoniales de l’ancienne salle de spectacle en intérieur d’îlot (salle Vermeulen), en la divisant horizontalement et verticalement en logements. Pire encore que les précédentes demandes, le projet actuel vise également la démolition de l’intéressante maison à front de la rue Goossens (n° 19).

Au 19, rue Goossens, cette maison est maintenant aussi menacée de démolition

Bis repetita ou jamais deux sans trois ont envie d’écrire les associations et les riverains largement mobilisés contre le projet. Malgré deux refus, en mai et en décembre 2011, le promoteur CASCAD revient avec une demande ignorant à nouveau les qualités patrimoniales du bâti existant. Les deux refus de permis précédents furent pourtant motivés, entre autres, par l’inadéquation de l’affectation en logement de l’ancienne salle de théâtre qui est inscrite comme « équipement d'intérêt collectif » dans le Plan Régional d'Affectation du Sol (PRAS - prescriptions 8.1 et 8.2). A l’exception de la Commune de Schaerbeek, les membres de la Commission de concertation, suivant en cela l'avis de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS), demandaient aussi de prévoir une affectation qui préserve les qualités patrimoniales de cette salle de spectacle remarquable datant de 1889. Manifestement, ces demandes ne sont pas rencontrées par la nouvelle demande de permis.

Diviser la salle en plusieurs unités de logement (mal éclairés) la dénaturerait complètement.


Suite aux menaces repousées des deux premiers projets, Pétitions-Patrimoine avec l’aide des riverains et d’Inter-Environnement Bruxelles avait activé la procédure de demande de classement par pétition. Cette démarche a été couronnée par un large succès et la pétition a été déposée le 17 février 2012 par Pétitions-Patrimoine (voir notre article du 20/02/12). A ce stade, cette demande officielle de classement oblige la Région bruxelloise a prendre l'avis de la CRMS, établir un rapport et à prendre une décision sur cette demande de classement dans les trois mois de la réception officielle, ce qui n'a pas encore été fait. Nous demandons donc aux autorités de suspendre l'instruction de la nouvelle demande de permis jusqu'à cette décision régionale.

Les associations et les habitants du quartier réitèrent donc leur demande à la Région bruxelloise de classer cette salle remarquable et à la Commune de Schaerbeek d’aider à la perpétuation de cet équipement collectif au service d’un quartier qui en a bien besoin.

A l'abandon - 01

Avec cet article nous inaugurons une nouvelle rubrique de notre blog. « A l’abandon » a pour but de mettre en lumière certains bâtiments laissés manifestement à l’abandon depuis quelques temps. Il ne s’agit pas spécialement de bâtiments pour lesquels Pétitions-Patrimoine a entrepris une action spécifique, bien que, si c’est le cas, nous l’indiquerons. Il ne s’agit pas non plus toujours de bâtiment faisant l’objet d’une menace directe. Non, il s’agit, ici, de dresser un simple constat et de se demander pourquoi des bâtiments d’une telle qualité architecturale sont laissés anormalement vides pendant plusieurs mois ou années.

Si vous même, vous connaissez un cas d'immeuble de qualité laissé à l'abandon, n'hésitez pas à nous en faire part. Contactez-nous

Le 35, boulevard Wahis à Schaerbeek

Notre premier exemple est une intéressante et imposante maison à colombage mêlant le style normand et des éléments Art Déco, datant probablement des années 1920. On remarquera aussi le dessin élégant de ses châssis. Elle est située au 35, boulevard Wahis à Schaerbeek.

Une maison qui ne manque pas de charme mais vide depuis 10 ans


Plusieurs maisons et villas de ce genre sont présentes dans le quartier et en sont assez typiques. Celle-ci est inhabitée depuis environ 10 ans et on remarque (voir photos) que des travaux de toitures ont été entamés sans être achevés, laissant une rangée de tuiles manquantes le long de la corniche, de sorte que l’eau de pluie doit pénétrer régulièrement dans la maison. On peut, dès lors, craindre que celle-ci ne se détériore rapidement.

Il y a plus d’un mois, nous avons écrit à la Commune de Schaerbeek pour demander si l’abandon avait été constaté et si la taxe communale sur les immeubles à l’abandon est appliquée. Nous n’avons reçu aucune réponse à ce jour.

On remarque, le long de la corniche, une rangée de tuile manquante

Le signe d'une détérioration qui s'aggrave


dimanche 18 mars 2012

Dur réveil pour une maison Art Nouveau

Au n° 4 de l’avenue Rogier se trouve une maison de maître Art Nouveau d’inspiration classique due à l’architecte Gabriel Charle. On doit aussi à ce dernier l’intérieur de la Maison Communale de St-Josse, la maison du peintre Lemmens au 74-76 de la rue de la Réforme à Ixelles ainsi qu’une splendide maison de rapport au n° 2 de la rue des Petits Carmes.

La maison avant travaux

Restée, telle une Belle au Bois Dormant, dans un état de semi-abandon pendant plusieurs années, la maison de l’avenue Rogier a survécu jusqu’à nos jours sans modification extérieure ni intérieure importante. Malheureusement, suite à un récent changement de propriétaire fin 2011, les châssis du dernier étage ont été remplacés par du PVC. Nous craignons dès lors le pire pour les reste des boiseries de la façade dont la superbe porte d'entrée et l'imposant. Des blocs Ytong étant apparus sur le trottoir, nous nous inquiétons aussi de modifications intérieures conséquentes qui pourraient intervenir sans permis et mettre à mal les éléments d'intérêt que contient la maison.

Cette situation illustre bien quelques problématiques bruxelloises : le manque de protection pour beaucoup de bâtiments de grande qualité patrimoniale, la méconnaissance par nombre de propriétaires de la valeur architecturale de leur bien (manque d’inventaire, de reconnaissance et d’éducation au patrimoine), une politique peu discriminante incitant au remplacement systématique des châssis anciens pour des raisons énergétiques.

Vu la qualité remarquable de la maison de l’avenue Rogier, nous avons écrit à M. Charles Picqué, Ministre en charge des Monuments et Sites afin de demander l’ouverture urgente d’une procédure de classement. Parallèlement, nous avons écrit à la Commune de Schaerbeek afin d’appuyer cette demande et de vérifier si un permis avait été demandé pour les transformations le nécessitant.

La réponse de la Commune de Schaerbeek nous informe que son service de l’urbanisme était déjà descendu sur les lieux pour faire arrêter les changements de châssis illégaux et placer les scellés sur les travaux entamés sans les autorisations requises. On peut donc s’attendre à ce qu’une demande de permis de régularisation soit déposée bientôt.

De son côté, M. Picqué nous a répondu, en date du 8 février que notre demande a été transmise à l’administration et qu’il ne manquerait pas de nous tenir informé du suivi. Depuis, nous n’avons plus eu de nouvelle… Il serait pourtant utile d’agir sans tarder si l’on veut que l’ouverture d’une procédure de classement intervienne suffisamment en aval d’une demande de permis. En effet, cette mesure, prise rapidement, permettrait de guider et aider le propriétaire à mettre en œuvre une rénovation plus respectueuse de cet élément important du patrimoine architectural régional.

lundi 20 février 2012

Salle Vermeulen : la pétition est déposée

Dans notre précédent article, nous vous invitions à nous aider à obtenir le nombre de signatures nécessaires au dépôt d'une demande de classement par pétition de la salle Vermeulen, située au 17 de la rue Goossens à Schaerbeek. Le nombre de signatures nécessaires a été largement atteint et, vendredi dernier, Pétitions-Patrimoine a déposé à la Direction des Monuments et des Sites (administration régionale) la demande de classement par pétition de la salle Vermeulen. Ce bâtiment, situé entièrement en intérieur d’îlot, date de la fin du XIXe siècle. Il s’agit d’une grande halle comparable aux halles St-Géry. La pétition de classement a été réalisée avec le soutien de Inter-Environnement Bruxelles (IEB) et du comité de quartier Comité Colignon. Les associations déplorent aussi la disparition de cet important équipement collectif puisque cette salle abritait une bibliothèque et une école de devoirs jusqu’à ce que le nouveau propriétaire mette fin à cette occupation en 2009. La salle est menacée par un projet de transformation en lofts qui la dénaturerait complètement.


La salle Vermeulen fait partie de l’histoire du quartier Colignon. Ce bâtiment fut construit en 1889 par la société de Saint-Vincent de Paul dans un but social, de loisirs et de festivités. Cela pour aider les jeunes et particulièrement les plus démunis. Ce bâtiment a été le témoin de la fantastique fécondité et créativité sociale qu’a connu la Belgique et Schaerbeek en particulier aux XIXe et XXe siècles. Des initiatives vont voir le jour, qui aujourd’hui, nous paraissent tout à fait normales mais qui étaient révolutionnaires pour leur époque. Par exemple, en 1897 y est créée une caisse d’épargne. Les lieux virent la mise en place d’une symphonie, d’une section d'art dramatique, d’une section de gymnastique, d’une mutuelle, d’une chorale, d’un « cercle de famille », etc. Tout cela avant la première guerre mondiale. Plus tard, parmi de nombreux événements historiques importants qui eurent pour cadre la salle Vermeulen, nous pointons, en 1952, la première représentation de chant de Jacques Brel et, en 1956, l’appel solennel de Joseph Cardijn pour la solidarité avec l’Amérique du Sud.

La salle possède un intérêt esthétique au vu de son architecture et de ses décorations mais aussi un intérêt technique. Ce fut notamment un des tout premiers bâtiments bruxellois éclairés au gaz.

Le Comité Colignon s’est fortement impliqué dans la recherche des signatures pour la pétition de classement. En effet, si la demande de permis pour la transformation en « lofts » de luxe est inacceptable du point de vue patrimonial, le comité défend aussi la salle en tant qu’équipement collectif très utile dans ce quartier. Avant que le nouveau propriétaire mette fin à cette occupation, la salle était jusqu’il y a peu occupée par une bibliothèque ainsi qu’une école de devoirs. Elle servait aussi de salle de sports ou de représentations pour les jeunes du quartier. Le quartier a besoin de ce type d’équipement, soulignent de nombreux signataires.

Inter-Environnement Bruxelles remarque d’ailleurs que le changement d’affectation d’un équipement en logement tel que le demande le promoteur n’est pas autorisé par le PRAS (prescriptions 8.1 et 8.2) et est donc illégal. En effet, les seuls logements autorisés en zone d’équipement doivent être le complément usuel de ce dernier (un logement de gardien ou de concierge par exemple).

Les deux demandes de permis de transformations en « lofts » ayant été, à juste titre, rejetées, les associations demandent maintenant à la Région bruxelloise de classer ce bâtiment remarquable et à la Commune de Schaerbeek d’aider à la perpétuation de cet équipement collectif au service d’un quartier qui en a bien besoin.