mercredi 18 juillet 2012

PRAS démographique : pour qui exactement ?




L’enquête publique sur l’adoption du « PRAS démographique » s’est achevée récemment, le 13 juillet dernier. Le PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol) est le plan régional qui défini les affectations (logement, commerce, bureau, espaces verts, industrie…) sur l’ensemble du territoire bruxellois. Il défini sur une carte des zones (« zone de logement », « zone de forte mixité », « zone d’industrie urbaine »…) pour lesquelles des prescriptions définissent ce qu’il est possible d’implanter comme affectations, dans quels proportions et dans quels conditions. Par exemple, en « zone de logement à prédominance résidentielle », il est possible de construire des hôtels de maximum 20 chambres alors qu’en « zone de forte mixité », les hôtels peuvent avoir un maximum de 80 chambres. Le PRAS défini aussi les possibilités de dérogations, notamment par l’adoption de PPAS (Plans Particuliers d’Affectation du Sol) et des prescriptions plus générales comme la prescription 0.9. qui donne la possibilité de déroger aux prescriptions d’une zone donnée afin de ré-affecter un bâtiment classé.

Pour ce qui concerne plus directement le patrimoine, outre cette prescription 0.9., le PRAS défini une prescription ZICHEE (« zones d’intérêt culturel, historique, esthétique ou d’embellissement ») pour une série de périmètres défini sur la carte en surimpression des affectations principales. Malheureusement, la portée de la ZICHEE est minime. Il est simplement prévu de demander un avis de la Commission de concertation lors de projets de démolitions ou transformations visibles depuis l’espace public… mais pas d’enquête publique. La portée de cette prescription reste donc en partie en dehors du débat public et, sans portée vraiment contraignante, n'empêche pas les démolitions de bâtiments de valeur.

Les prescriptions et cartes du PRAS sont consultables en ligne à cette adresse.

Pourquoi revoir le PRAS ?

La mise à l’enquête du « PRAS démographique » est, en fait, essentiellement une modification partielle du PRAS adopté en 2001, avec pour objectif affiché par le gouvernement régional de répondre au « boom démographique » bruxellois, ainsi que de mettre en œuvre son PDI (Plan de Développement International). On notera au passage que ce PDI est un plan non prévu par la législation qui a été adopté sans enquête publique et qui vise essentiellement à définir l’aménagement de certaines zones (abords de la gare du Midi, Delta, Heysel…) en vue de développer la « vocation international » de Bruxelles. La définition et la pertinence de ce développement n’a jamais été vraiment débattu publiquement et a fait l’objet de plusieurs critiques : voir ici ou ici.
Le développement du Heysel tel que porté par le PDI : grand centre de congrès, centre commercial…        sans débat public

La réaction de Pétitions-Patrimoine et des associations

Dans le cadre de l’enquête publique, Pétitions-Patrimoine, ainsi que IEB et plusieurs associations d’habitants s’est penché sur les 1.200 pages du projet de révision du PRAS et de son étude d’incidence. Si chacune des associations a étudié ce plan en fonction de ses préoccupations propres (territoriales et/ou thématiques), on constate une certaine convergence dans les critiques. Ce plan est prématuré alors que le PRDD (Plan Régional de Développement Durable), qui est le plan d’orientation générale de la Région, est en cours d’élaboration. Par ailleurs, les données et analyses démographiques qui fonde la révision du PRAS sont discutables. Enfin, les solutions proposées par le PRAS, comme la création d’une nouvelle « zone d’entreprise en milieu urbain » (ZEMU – largement ouverte au logement) au lieu de zones d’industrie ne résoudront pas le problème du logement pour la population à venir tout en risquant de faire perdre à Bruxelles de précieux terrains industriels susceptibles de fournir de l’emploi aux habitants, en particuliers les moins qualifiés.

Le PRAS démographique est-il taillé sur mesure pour ce type de projets de promotions privées de luxe ?     (ici, le projet Rives le long du canal à Anderlecht à la place de zones d'industries)

Il est possible de télécharger au format PDF les analyses et réclamations officielles de plusieurs associations dont Pétitions-Patrimoine sur le site d’IEB à cette adresse, ainsi que l’avis d’IEB à celle-ci.

L’analyse de Pétitions-Patrimoine


De notre côté, nous nous sommes attelés à une analyse de l’ensemble des prescriptions du PRAS, partant du principe que ce plan forme un tout et que sa modification doit aussi prendre en compte une analyse de ses effets (pas toujours positifs pour le patrimoine) depuis son adoption il y a plus de dix ans. En tant qu’association de défense du patrimoine, nous nous sommes attaché à l’analyse des prescriptions ayant directement trait au patrimoine (ZICHEE…) mais aussi des prescriptions liées à l’affectation du sol qui ont ou risquent d’avoir un impact négatif sur le patrimoine bruxellois au sens large. C’est pourquoi, nous avons porté un regard attentif sur les prescriptions potentiellement génératrices de démolitions ou d’abandons spéculatifs.

Notre document d’analyse étant assez long et technique, nous vous en proposons ici la partie qui concerne la philosophie générale du plan sans entrer dans le détails des prescriptions que l’on peut retrouver dans le document complet à télécharger ici.

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(extrait de l’avis de Pétitions-Patrimoine sur le PRAS démographique)

Critique de la philosophie générale du PRAS démographique

Il nous semble particulièrement anormal que le projet de modification du PRAS démographique soit adopté avant la réalisation et l’adoption du PRDD actuellement en cours d’élaboration et dont l’objectif est de définir préalablement les grandes orientations du « projet de ville » pour la Région de Bruxelles-Capitale. Le PRAS, qui ne devrait être que le « plan d’exécution » du PRDD, va ainsi prendre et figer des orientations importantes pour le développement de la Région en court-circuitant les débats et réflexions qui devraient avoir lieu dans le cadre le l’élaboration du PRDD. Par exemple, par la création d’un nombre significatif de ZEMU le long de l’axe du canal, le PRAS impulse une dynamique de transformation résidentielle de cet axe au détriment de l’industrie et des activités productives ou de manutention, ceci, alors qu’aucun débat préalable global n’a eu lieu sur la place de ces activités (et de l’éventuelle relocalisation de l’industrie) en Région bruxelloise, débat qui doit s’inscrire dans une réflexion générale qui inclue notamment le type d’emploi désiré et adéquat pour la population bruxelloise, la problématique des transports des marchandises et de la navette des travailleurs, l’augmentation inéluctable des coûts de l’énergie (pic pétrolier, demande mondiale en hausse…), la préservation du patrimoine industriel comme mémoire collective…

La justification de l’adoption rapide et précipitée de ces modifications du PRAS par la nécessité de répondre à une demande de logement induite par l’augmentation prévue de la population bruxelloise nous paraît peu étayée et réductrice. Peu étayée et réductrice car, dans l’arrêté soumis à l’enquête publique, l’étude des besoins se base sur un rapport simpliste de surface disponible/population en fonction de moyennes régionales (surface/logement…) dont la pertinence est discutable. Rien n’est dit sur la composition socio-économique des nouveaux habitants (pauvres, riches, moyens ?) ou sur leur pyramide des âges (ce qui influe fortement sur la taille et composition des ménages et les besoins en équipements). Il manque d’ailleurs une réelle analyse des besoins en équipements divers (écoles, maisons de retraite, hôpitaux…) nécessaires à l’accompagnement de cette expansion démographique.

De plus, le PRAS en tant que simple plan d’affectation ne nous paraît pas l’outil le plus susceptible d’apporter une réponse aux besoins de logement futures de la population. Par exemple, pourquoi se précipiter à ouvrir, via les ZEMU, de nouvelles zones généralement peu propices au logement (zones industrielles polluées, mal connectées au réseau de transport publiques… cfr. analyse point 4bis plus bas) alors que l’expérience nous montre que le programme des grandes ZIR susceptibles d’accueillir du logement et définies par le PRAS il y a plus de 10 ans (Gare de l’Ouest, Gare Josaphat, Tour et Taxis…) n’ont pas encore vu la moindre réalisation concrète en terme de logement ? Ceci démontre que le PRAS n’apparaît être qu’un outil partiel s’il ne s’accompagne pas de la mise en place préalable d’outils de maîtrise du foncier, de captation des plus-values et d’orientation sur la nature du logement (par exemple par l’obligation d’une proportion de logement social à mettre en œuvre dans les projets). L’adoption d’une modification du PRAS avant la mise en place de ces outils nous paraît mettre la charrue avant les bœufs car l’ouverture tout azimut de nouvelles surfaces destinées au logement ne garanti en rien leur urbanisation effective et, encore moins, d’une manière susceptible de répondre aux besoins de la population (par exemple par la création d’une proportion significative de logement social).

Enfin, il nous paraît particulièrement anormal que le projet de modification partiel du PRAS ne s’appuie pas sur une analyse critique, systématique et détaillée du fonctionnement et des conséquences du PRAS depuis qu’il a été adopté en 2001. Quels impacts ont eu ses prescriptions ? Quels effets pervers a-t-on pu éventuellement relever ? Quelles prescriptions s’avèrent inutilisables, inutilisées ou obsolètes ?

Au final, l’impression qui se dégage de la proposition de révision du PRAS soumise à l’enquête publique est celle d’un plan partiel qui, sous couvert de démographie, est principalement destiné à répondre de manière opportuniste à un certain nombre de projets de promotion immobilière (NEO, City Docks, hôtel sur le site du couvent Gésù…). Ceux-ci ne sont d’ailleurs souvent pas nommément cités et explicités dans les documents à l’enquête publique. Ce genre de pratique d’une planification ad hoc, faite pour répondre aux demandes peu transparentes du secteur immobilier, a déjà engendré de nombreux abus et erreurs dans la création de PPAS locaux par le passé, ceci sans d’ailleurs toujours rencontrer le succès escompté en terme de réalisation effective. Pour Pétitions-Patrimoine, ce type de planification répondant sans le dire plus à des intérêts particuliers que généraux doit être proscrit, d’autant plus dans un plan à portée régionale.

En conséquence, Pétitions-Patrimoine considère que la révision du PRAS devrait être abandonnée à ce stade et être remise en œuvre lorsque les conditions suivantes auront été établies :
– adoption du PRDD dans le cadre d’une vaste campagne de diffusion de l’information (démographie, études économiques, étude du foncier, santé…) et d’une large enquête publique ouverte permettant aux habitants de faire émerger les questions et préoccupations qui les concernent ;
– évaluation complète et indépendante des effets des prescriptions du PRAS actuel et de ses lacunes en terme d’opérabilité ;
– mise en place d’outils réglementaires permettant une maîtrise du foncier et une captations des plus-values par les pouvoirs publics, assorti des outils pour le nécessaire contrôle démocratique permanent de leurs usages.

dimanche 15 juillet 2012

Maison de l’histoire européenne : le Parlement doit d’abord rendre public le programme muséographique

Installer une « Maison de l’histoire européenne » à Bruxelles dans le parc Léopold et dans le quartier européen, pourquoi pas, si, après le Parlamentarium, la pertinence de l’installation d’un deuxième équipement de communication du Parlement européen est démontrée en ces temps d’austérité. S’il s’agit également de susciter l’adhésion des citoyens européens à un projet politique qu’ils ne comprennent plus, est-il cohérent de le faire sans respecter un espace vert protégé situé dans un quartier particulièrement dense et encombré ? Nous attendons de ces institutions, que nous avons accueillies à Bruxelles avec bienveillance et au prix du sacrifice d’une part importante de notre cadre de vie, qu’elles respectent d’abord les valeurs et les devoirs qui fondent l’idéal européen, en particulier lorsqu’il s’agit de son patrimoine architectural et paysager, d’autant plus quand il est question de mettre en valeur l’histoire de l’Europe.

L'Institut dentaire Georges Eastman et ses proportions soignées, juste après sa construction en 1935 - ©Universiteitsbibliotheek UGent [open] - cliquer pour agrandir

Le Parc Léopold s’inscrit dans la permanence

C’est une des rares parcelles de ce secteur de Bruxelles à ne jamais avoir été bouleversée par la constante modernisation fonctionnelle du quartier, on y trouve les traces les plus anciennes du paysage originel de la vallée du Maelbeek. C’est un écrin pour chacun des bâtiments remarquables qui y ont été construits et c’est un îlot de calme et d’harmonie dans un environnement hétéroclite à la qualité architecturale et urbanistique souvent déficiente. Le secteur associatif bruxellois a su le protéger en contribuant activement à son classement en tant que site en 1976 et pour plusieurs de ses bâtiments en 1987-1988. Le site est par ailleurs situé en Zone d’Intérêt Culturel Historique Esthétique et d’Embellissement.

L’Institut dentaire George Eastman s’inscrit dans une filiation

L’Institut Eastman a été construit en 1934-1935 par l’architecte Michel Polak qui est largement reconnu pour son œuvre, particulièrement à Bruxelles durant les années 1920-1930 (Villa Empain, Résidence Palace, Hôtel Plaza, ancien bâtiment de la RTT rue des Palais). Il a marqué de son empreinte de nombreux immeubles aux programmes architecturaux uniques et parmi ceux-ci l’Institut dentaire, financé par le mécène américain George Eastman à la suite d’autres opérations analogues réalisées à Stockholm, Paris, Rome, New York et Londres. Il faut noter que toutes ces institutions, sauf la bruxelloise, fonctionnent encore aujourd’hui dans le respect de leur vocation prophylactique et sociale d’origine.

Le projet de la « Maison de l’histoire européenne » s’inscrit dans le contexte dérégulateur du quartier européen

Il faut se rappeler que si l’Institut Eastman n’a pas été classé dans la foulée d’autres bâtiments du Parc Léopold en 1988, on le doit déjà au Parlement européen qui souhaitait y garder les coudées franches pour y aménager des salles de réunion. L’irrespect d’hier autorise donc aujourd’hui les atteintes au patrimoine. La désinvolture face aux normes en matière d’urbanisme et de patrimoine dans le parc Léopold est le reflet de ce qui se passe sur la rue Belliard (tour Van Maerlant, projet de démolition/reconstruction de l’ancienne BACOB) dans le sillage du « Projet urbain Loi ». L’auteur du projet architectural ne s’est pas privé de justifier sa surélévation de 3 étages du bâtiment ancien par les nouveaux gabarits envisagés aux abords du parc et par l’éclectisme stylistique des immeubles situés en dehors du site classé. Il signale, par contre, qu’à Paris, il avait dû enterrer le programme qui lui avait été imposé pour le Petit Palais, Bruxelles n’étant pas Paris, son patrimoine ne semble pas digne d’une telle attention.

Le projet de la « Maison de l’histoire européenne » ne s’inscrit pas dans la transparence

La demande de permis a été discutée ce 19 juin 2012 en commission de concertation de la Ville de Bruxelles. Le projet a reçu une volée de bois vert de la part des habitants, représentés par l’Association du Quartier Léopold (AQL) mais aussi des associations telles que l’ARAU, Europa Nostra et Pétitions-Patrimoine. Pour comprendre pourquoi il était nécessaire de doubler le volume du bâtiment Eastman, les habitants ont demandé que le programme muséographique, à partir duquel les architectes avaient à travailler, soit rendu public. Il est effectivement indispensable de connaître la qualité, la répartition et les superficies des fonctions d’un tel musée (exposition permanente et/ou temporaire, locaux administratifs, espaces d’accueil, cafétéria, boutique…) pour pouvoir évaluer ce projet en toute connaissance de cause. Le représentant de l’administration du Parlement européen a fini par déclarer que cette information n’avait pas à être rendue publique.

Une concertation publique et un avis déconcertant

L’avis de la commission de concertation est un modèle de langue de bois : 
« Considérant que l’extension qui se situe dans la cour et en couronnement s’articule dans la composition des volumes du bâtiment existant » ;
« Considérant que le projet constitue un défi technique de créer un musée à la fois fonctionnel, accessible pour tous et sécurisé ».
Voilà un florilège d’arguments technocratiques et tautologiques visant à lever tout obstacle à la défiguration de ce qui doit, y compris dans le site classé du parc Léopold, s’adapter aux principes de la révolution immobilière permanente d’un quartier européen qui ne veut pas oublier qu’il s’appelle Léopold. Les Bruxellois ne sont pas des citoyens européens de seconde zone et ne peuvent s’accommoder d’un tel déni ni de la part des pouvoirs publics qui les représentent ni de la part des institutions européennes qu’ils ont accueillies. Ils exigent d’abord une publication du programme muséographique afin que chacun puisse évaluer si les fonctions qu’il impose aux architectes ne font pas double emploi avec le Parlamentarium, ou avec l’offre urbaine de la place Jourdan toute proche.

Ils demandent ensuite que le projet de musée soit redimensionné afin de le rendre compatible avec la conservation du patrimoine du parc Léopold, en accord avec les principes de la Charte de Venise (1) qui sont reconnus par les instances internationales et qui sont généralement d'application sur tout le territoire européen. La restauration exemplaire et récente de la Villa Empain (réalisée par la Fondation Boghossian) est bien la preuve qu'une activité culturelle ouverte bien au-delà des frontières de l'Europe rayonne aussi par la qualité tout en mesure de son installation dans cet autre bâtiment remarquable de Michel Polak. Le Parlement européen ne devrait pas s'exonérer de la règle commune en tirant profit d'une faille administrative (absence de classement). Nous ne nous attendons certainement pas de cette grande institution, à laquelle nous sommes tous attachés, qu'elle s'assujettisse à la rhétorique encombrante et mercantile qui semblent conduire l'ensemble du projet européen vers un avenir auquel les bruxellois comme tous les citoyens européens ne pourront adhérer.

(1) :  Article 6 en particulier : « La conservation d'un monument implique celle d'un cadre à son échelle. Lorsque le cadre traditionnel subsiste, celui-ci sera conservé, et toute construction nouvelle, toute destruction et tout aménagement qui pourrait altérer les rapports de volumes et de couleurs seront proscrits. »

Signataires : Association du Quartier Léopold, ARAU, Pétitions-Patrimoine, Fondation Boghossian (Villa Empain)


Disparition de l'ancien Chalet Scolaire de Calvoet

Début juin, les infrastructures historiques de l’ancienne Colonie du Jour d’Uccle Calevoet (1912) ont finalement été démolies malgré diverses tentatives de quelques riverains pour les sauver. L’ensemble situé rue E. Van Ophem et aménagé en 1912 (il y a tout juste 100 ans) pour le compte du Cercle des Éclaireurs des Deniers des Écoles (organisation émanant de la Ligue de l'Enseignement), constituait pour l’histoire locale et régionale un rare témoin de l’action sociale du début du XXe siècle en faveur des enfants démunis. À plusieurs niveaux cet ensemble remarquable méritait qu’il soit préservé tant il caractérisait le contexte sociopolitique et culturel de l’époque qui le vit naître. L’architecte en était le philanthrope Raymond Foucart qui fut par ailleurs bourgmestre de Schaerbeek de 1921 à 1927.

Le Chalet Scolaire et son préau peu après sa construction

Vue du pignon depuis la rue peu avant la démolition

Nous sommes évidemment déçus par cette démolition mais pas pour autant étonnés. D’expérience, la Commune d’Uccle ne s’est que rarement montrée très réceptive à la protection de son patrimoine. Que l’on se rappelle, par exemple, le cas de la villa Pelseneer (av. Winston Churchill) ou de la villa Cohen (av. J. et P. Carsoel) toutes deux sauvées in extremis par leur classement ou par la disparition du 199 av. Brugmann ou de la villa Firwood (av. du Prince d’Orange), on ne peut pas dire que la Commune ait joué un rôle d’avant garde dans la reconnaissance et la volonté de préserver le patrimoine… que du contraire.

Pourtant, dans un premier temps, la découverte des plans originaux par l’ACQU (Association des Comités de Quartiers Ucclois) ainsi que de l’identité de l’architecte - et de fil en aiguille de l’historique de l’immeuble - avait provoqué l’enthousiasme de nombreuses personnes notamment au sein de l’administration communale. L’échevin lui-même avait, lors de la première Commission de concertation de septembre 2010, montré de l’intérêt pour le Chalet Scolaire et son singulier jeu de colombage en façade. Or, aux yeux du maitre d’œuvre (la firme BPI), les édifices historiques portaient « atteinte à la qualité architecturale et à l’esthétique de l’environnement urbain » et constituaient donc une nuisance pour la  commercialisation des bâtiments voisins alors en cours d’achèvement. Il semble évident que cet argument douteux n’avait pour réel objectif que d’obtenir la réalisation du projet sans délai et sans s’encombrer des derniers vestiges architecturaux présents sur le site.

Les plans retrouvés (ici le préau) montre l'originalité de son architecture

Un compromis réaliste aurait pu être adopté tant en faveur du patrimoine architectural que des intérêts de la firme BPI. Ceci dans la mesure où il aurait été possible de construire sur l’ancien terrain de sport de la Colonie tout en maintenant l’immeuble principal du site, à savoir le Chalet Scolaire et son préau. Malgré son âge respectable cet ensemble architectural était, jusqu’il y a peu, encore en excellent état de conservation. Comme il n’occupait qu’un infime partie du terrain à lotir, son maintient ne nuisait en aucune sorte, ou alors si peu, à l’investissement financier escompté. Le développement de ce vaste terrain aurait eu le mérite de se faire de manière équilibrée, en dialogue avec les caractéristiques originelles et patrimoniales des lieux.

Au début de mois de juin, en même temps qu’a lieu la démolition, l’enquête publique pour le lotissement du terrain était en cours. Le lotissement tel que proposé ainsi que la disposition des bâtiments futurs se révèle, sans beaucoup de surprise, banal et sans créativité. C’est d’autant plus frustrant car il n’aurait donc pas été beaucoup plus compliqué d’y intégrer le chalet scolaire. L’effort n’a simplement pas été accompli. C’est évidemment plus facile d’adopter le principe de la tabula rasa. Pourquoi s’encombrer de contraintes ? La qualité architecturale et la valeur historique du pavillon scolaire auraient toutefois pu donner au futur quartier en cours d’urbanisation l’âme, l’identité et la saveur qui maintenant lui manqueront cruellement. A la place, nous aurons un banal lotissement périurbain supplémentaire…

On regrettera que la Commune qui aurait pu conduire cet arbitrage pas trop compliqué (vu la surface disponible, même sans démolition du patrimoine) entre sauvegarde du patrimoine et développement de son territoire par un promoteur privé, n’a pas du tout joué son rôle de garant du bien public dans cette histoire. D’une part, les recherches en archives qui ont révélé l’intérêt historique du Chalet Scolaire dans ses propres archives ont été réalisé par le comité de quartier (ACQU) et, d’autre part, une fois cet intérêt révélé, la Commune n’a pris aucune décision pour empêcher la destruction du bâtiment alors qu’elle avait la possibilité de mettre cette condition minime à l’octroi du permis. Ce manque d’initiative paraît assez effarant et, manifestement, ce n’est pas cette fois que la Commune d’Uccle fera mentir sa triste réputation d’insensibilité au patrimoine.