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vendredi 31 mai 2013

Démolition d'un Dewin repoussée

Nous avions récemment réagi à la demande de démolition de l’annexe à l’ancienne clinique du Dr Verhoogen, rue Marie-Thésèse à Saint-Josse (voir ci-dessous). Rappelons que le projet prévoyait une forte densification du bâti par la rénovation partielle de l’ancienne clinique au n° 100-102 et la démolition/reconstruction de son annexe au n° 98, deux bâtiments construits par Jean-Baptiste Dewin en 1907 et 1920-1921.

La demande de permis d’urbanisme est passée en Commission de concertation le 6 juin dernier et nous avions réagis contre ce projet lors de l’enquête publique en demandant, notamment, que soit envisagé le classement du site au vu de son intérêt et de l’importance de son architecte.

Heureusement, la Commission de concertation a remis un avis défavorable (téléchargeable ici) à la demande de permis, se basant sur des arguments de patrimoine mais aussi de densification excessive de l’îlot et de distinction ambiguë entre le logement et l’hôtel. Alors que l'intérêt des bâtiments est aujourd'hui reconnu, il serait souhaitable qu'une mesure de protection (classement) vienne confirmer la volonté de préserver ce patrimoine sur le long terme et éviter de voir revenir de nouvelles demandes de démolition plus ou moins modifiées.

Le bâtiment du 98, rue Marie-Thérèse (Jean-Baptiste Dewin, 1920-1921)

samedi 4 mai 2013

Un Dewin méconnu menacé

Jusqu’au 6 mai, est à l’enquête publique une demande de « Transformation d’une ancienne clinique en hôtel » à Saint-Josse (rue Marie-Thérèse 98 – 102). Celle-ci cache en fait la démolition d’un bâtiment remarquable, une superbe réalisation du célèbre architecte Art Nouveau et spécialiste des établissement hospitaliers : Jean-Baptiste Dewin. Le projet prévoit la rénovation du n° 102 mais le n° 98 est voué à la démolition. Ce bâtiment atypique date de 1920-1921 et est une extension de la clinique privée du Dr Verhoogen construite, elle aussi, par Dewin en 1907 juste à coté aux 100-102. Pour nous, une telle démolition est impensable car ce bâtiment mérite le classement !


Le 98, rue Marie-Thérèse

Le bâtiment est implanté en longueur, face à la cour arborée (© MRBC-DMS, 1993-1995)

L’architecte, « Jean-Baptiste Dewin, (1873-1948) se révélera peut-être le plus original des architectes de l’Art Nouveau belge après Horta et Hankar », dixit Jean Morjan in L’Académie et l’Art Nouveau, 1996. En effet, l’architecture de Dewin, d’un style géométrique dénué de toute distraction décorative et influencé par le japonisme (notamment en ce qui concerne la division des fenêtres), Paul Hankar et la Sécession Viennoise, se révèle aujourd’hui comme un précurseur direct de l’Art Déco. Fait rare, Dewin a ainsi construit essentiellement dans un style très cohérent depuis ses débuts en 1898 jusqu’aux années 1930. La sobriété de ses façades traduit les principes fondateurs de l’Art Nouveau (influencé par le mouvement Arts and Crafts anglais et le japonisme) et suit le message véhiculé par Victor Horta qui plaida en faveur de façades sobres, l’exubérance décorative étant réservée aux intérieurs.

Jean-Baptiste Dewin, pionnier de l’Art Nouveau et de l’Art Déco est un architecte très important réalisant une sorte de synthèse et une passerelle entre ces deux styles. Plusieurs de ses œuvres sont aujourd’hui classées. Formé notamment par Georges Hobé, il fut président de la Société Centrale d’Architecture (la SCAB) et du Xe congrès International des Architectes. Des figures incontournables de l’Art Déco et du modernisme bruxellois tels Louis Herman De Koning, Jean-Jules Eggerickx, Jacques Obozinski, François Van Meulecom ont été stagiaires chez Dewin. Il s’est spécialisé dans la construction d’hôtels de maître, de cliniques (dont l'Institut chirurgical Berkendael, place Brugmann) et de bâtiments publics (dont la Maison Communale de Forest, classée). Nous devons malheureusement déplorer la démolition de son chef-d’œuvre Art Déco, la rédaction et l’imprimerie de Het Laatste Nieuws, boulevard E. Jacqmain, au début des années 1980.

L'ancien Institut chirurgical Berkendael (© MRBC-DMS, 2006)
L'ancien Institut pour le traitement des maladies des yeux (© MRBC-DMS, 1994)

Spécialiste des cliniques et établissements hospitaliers, il construisit en 1903 pour le docteur Depage une clinique 29 place Brugmann (Institut chirurgical Berkendael). Il réalisa ensuite neuf constructions hospitalières dans la capitale : l'institut ophtalmologique, rue des Vétérinaires, 23 (1912) ; l’Institut pour le traitement des maladies des yeux, avenue de Tervueren 68 (1912) ; l'Ecole belge d'infirmières, rue de l'Ecole (1913) ; la Polyclinique dentaire du Dr Rosenthal, chaussée d'Etterbeek 166 (1913) ; l'Institut Longchamp, avenue Winston Churchill 255 (1914) et la Clinique du Dr Verhoogen, rue Marie Thérèse 98 (1921). Sa carrière est couronnée par la construction de l'hôpital Saint-Pierre, rue Haute (1926-32), où sa vision rationnelle de l'architecture hospitalière aboutit à la conception d'une clinique adaptée à la médecine moderne et qui s'inscrit parfaitement dans le tissu urbain.

Rue Marie-Thérèse : la porte d'entrée

Rue Marie-Thérèse : détail de la corniche

Le petit bâtiment de la rue Marie-Thérèse, représentatif de son style soigné, présente une typologie particulière par son implantation en longueur, perpendiculaire à la rue. Il possède une architecture très intéressante ainsi que des éléments décoratifs remarquables (vitraux, ferronneries, boiseries). Il est actuellement utilisé comme logement et, selon certains anciens habitants, des éléments décoratifs d’origine pourraient encore être présents à l’intérieur. Pour la petite histoire, c’est là que le fameux peintre symboliste Fernand Khnopff est décédé en 1921. Pour Pétitions-Patrimoine, avant tout projet visant à transformer (et à fortiori à démolir) le bâtiment, il est indispensable que des experts du service des Monuments et Sites visitent ce lieu au plus vite afin d’en proposer le classement sans attendre.

dimanche 27 janvier 2013

Permis délivré pour la salle Vermeulen

Ca y est, la Commune de Schaerbeek a délivré le permis d’urbanisme pour la transformation de la salle Vermeulen en appartements. Cette salle des fêtes remarquables avait été l’objet de notre dernière pétition de classement en 2012. Malgré l’avis favorable de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS), le gouvernement régional avait rejeté la demande de classement ouvrant la voie au projet privé soutenu par la Commune.

Si, dans son arrêté de non-classement, la Région avait bien émis quelques recommandations pour le maintien de certains éléments, le permis délivré ouvre la voie à la démolition de l’intéressante maison à front de rue et à la perte de la salle comme équipement collectif pour le quartier.

Le plus inquiétant dans ce dossier est au final la manière dont ont été traitées les demandes de habitants mobilisés en masse pour la sauvegarde de la salle et, ce, tant en ce qui concerne le rejet de la pétition de classement que lors de la Commission de concertation pour laquelle les plans définitifs n’étaient pas consultables.

Le permis d’urbanisme est téléchargeable sur le site d’IEB à cette adresse :


Détail de la charpente métallique de la salle

La maison condamnée au 19, rue Goossens

jeudi 13 septembre 2012

Pétition de classement : la fin des illusions

En déposant notre pétition de classement pour l’ancienne salle de spectacle Vermeulen à Schaerbeek, nous étions confiants : le bâtiment est rare et remarquable, la mobilisation des habitants importante et l’enjeu économique du projet qui le menaçait initialement était faible (5 appartements). La Région bruxelloise aurait ainsi pu montrer à peu de frais qu’elle reste à l’écoute des demandes citoyennes. Il n’en fut rien, la Région refuse le classement et accorde au promoteur le droit de transformer et morceler l’ancienne salle de spectacle. Le projet est passé le vendredi 7 septembre en concertation à Schaerbeek.


Le 17 février 2012, Pétitions-Patrimoine déposait le dossier complet de demande de classement de l’ancienne salle de spectacle André Vermeulen au 19 de la rue Goossens à Schaerbeek. Parmi les documents, la demande officielle par pétition de près de 450 bruxellois remplies selon les termes légaux du CoBAT (nom, prénoms, adresse, n° de carte d’identité, adresse, date de naissance). Ce nombre important est le résultat d’une forte mobilisation des habitants du quartier qui tiennent à ce patrimoine exceptionnel.

En effet, la salle Vermeulen fait réellement partie de l’histoire du quartier Colignon. Ce bâtiment fut construit en 1889 par la société de Saint Vincent de Paul dans un but social, de loisirs et de festivités. Cela pour aider les jeunes et spécialement les plus démunis. Des initiatives vont voir le jour, qui aujourd’hui, nous paraissent tout à fait normales mais qui étaient révolutionnaires pour leur époque, comme, par exemple, en 1897 la création d’une caisse d’épargne. La salle possède également un intérêt esthétique au vu de son architecture et de ses décorations mais aussi un intérêt technique car ce fut un des tout premiers bâtiments bruxellois éclairés au gaz.

Les experts de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS) furent donc enthousiastes pour soutenir la demande de classement en y donnant un avis positif solidement motivé.

A l’origine de la mobilisation des habitants et association pour la défense de la salle était un projet immobilier la dénaturant en la divisant en 5 appartements. Ce projet avait d’ailleurs été par deux fois rejeté en Commission de concertation, en juin et novembre 2011. La pétition de classement avait dès lors pour but d’éviter qu’un nouveau projet, à nouveau à peine amendé, ne soit remis sur la table et que le classement permette d’orienter une fois pour toute une rénovation de la salle qui prenne en compte ses qualités historiques. En acceptant le classement, le gouvernement bruxellois aurait pu montrer son attachement à préserver un patrimoine intéressant, soutenu par la population du quartier et ceci sans qu’il y ait un enjeu économique colossal attaché à sa préservation. Pourtant, le 19 juillet 2012, en réponse à la pétition de classement et malgré l’avis favorable de la CRMS, le gouvernement bruxellois décidait de ne pas classer la salle Vermeulen.

Dès lors, on se demande à quoi peut bien encore servir le recours à une pétition de classement légale ? Il y a déjà longtemps que le gouvernement refusait d’accorder le classement par pétition d’immeubles ou sites soumis à la pression de gros projets immobiliers (Heron sur l’avenue de la Toison d’Or, ateliers Citroën sur la place de l’Yser, anciens entrepôts Delhaize sur le quai des Péniches, usines Godin au quai de l’Industrie, etc.). Il faut en conclure que, maintenant, ce sont aussi les micro-projets immobiliers qui deviennent intouchables.

Suite à la dernière réforme du CoBAT (Code Bruxellois de l'Aménagement du Territoire) qui en avait réduit la portée légale en 2009, nous avions déjà dénoncé le fait qu’en l’absence de volonté politique du gouvernement, la pétition de classement citoyenne serait réduite à un écran de fumée juridique. Nous n’avions pourtant pas voulu céder au pessimisme et au procès d’intention. Hélas, aujourd’hui, ce cas exemplaire démontre que cette triste prédiction se révèle la réalité.

dimanche 15 juillet 2012

Maison de l’histoire européenne : le Parlement doit d’abord rendre public le programme muséographique

Installer une « Maison de l’histoire européenne » à Bruxelles dans le parc Léopold et dans le quartier européen, pourquoi pas, si, après le Parlamentarium, la pertinence de l’installation d’un deuxième équipement de communication du Parlement européen est démontrée en ces temps d’austérité. S’il s’agit également de susciter l’adhésion des citoyens européens à un projet politique qu’ils ne comprennent plus, est-il cohérent de le faire sans respecter un espace vert protégé situé dans un quartier particulièrement dense et encombré ? Nous attendons de ces institutions, que nous avons accueillies à Bruxelles avec bienveillance et au prix du sacrifice d’une part importante de notre cadre de vie, qu’elles respectent d’abord les valeurs et les devoirs qui fondent l’idéal européen, en particulier lorsqu’il s’agit de son patrimoine architectural et paysager, d’autant plus quand il est question de mettre en valeur l’histoire de l’Europe.

L'Institut dentaire Georges Eastman et ses proportions soignées, juste après sa construction en 1935 - ©Universiteitsbibliotheek UGent [open] - cliquer pour agrandir

Le Parc Léopold s’inscrit dans la permanence

C’est une des rares parcelles de ce secteur de Bruxelles à ne jamais avoir été bouleversée par la constante modernisation fonctionnelle du quartier, on y trouve les traces les plus anciennes du paysage originel de la vallée du Maelbeek. C’est un écrin pour chacun des bâtiments remarquables qui y ont été construits et c’est un îlot de calme et d’harmonie dans un environnement hétéroclite à la qualité architecturale et urbanistique souvent déficiente. Le secteur associatif bruxellois a su le protéger en contribuant activement à son classement en tant que site en 1976 et pour plusieurs de ses bâtiments en 1987-1988. Le site est par ailleurs situé en Zone d’Intérêt Culturel Historique Esthétique et d’Embellissement.

L’Institut dentaire George Eastman s’inscrit dans une filiation

L’Institut Eastman a été construit en 1934-1935 par l’architecte Michel Polak qui est largement reconnu pour son œuvre, particulièrement à Bruxelles durant les années 1920-1930 (Villa Empain, Résidence Palace, Hôtel Plaza, ancien bâtiment de la RTT rue des Palais). Il a marqué de son empreinte de nombreux immeubles aux programmes architecturaux uniques et parmi ceux-ci l’Institut dentaire, financé par le mécène américain George Eastman à la suite d’autres opérations analogues réalisées à Stockholm, Paris, Rome, New York et Londres. Il faut noter que toutes ces institutions, sauf la bruxelloise, fonctionnent encore aujourd’hui dans le respect de leur vocation prophylactique et sociale d’origine.

Le projet de la « Maison de l’histoire européenne » s’inscrit dans le contexte dérégulateur du quartier européen

Il faut se rappeler que si l’Institut Eastman n’a pas été classé dans la foulée d’autres bâtiments du Parc Léopold en 1988, on le doit déjà au Parlement européen qui souhaitait y garder les coudées franches pour y aménager des salles de réunion. L’irrespect d’hier autorise donc aujourd’hui les atteintes au patrimoine. La désinvolture face aux normes en matière d’urbanisme et de patrimoine dans le parc Léopold est le reflet de ce qui se passe sur la rue Belliard (tour Van Maerlant, projet de démolition/reconstruction de l’ancienne BACOB) dans le sillage du « Projet urbain Loi ». L’auteur du projet architectural ne s’est pas privé de justifier sa surélévation de 3 étages du bâtiment ancien par les nouveaux gabarits envisagés aux abords du parc et par l’éclectisme stylistique des immeubles situés en dehors du site classé. Il signale, par contre, qu’à Paris, il avait dû enterrer le programme qui lui avait été imposé pour le Petit Palais, Bruxelles n’étant pas Paris, son patrimoine ne semble pas digne d’une telle attention.

Le projet de la « Maison de l’histoire européenne » ne s’inscrit pas dans la transparence

La demande de permis a été discutée ce 19 juin 2012 en commission de concertation de la Ville de Bruxelles. Le projet a reçu une volée de bois vert de la part des habitants, représentés par l’Association du Quartier Léopold (AQL) mais aussi des associations telles que l’ARAU, Europa Nostra et Pétitions-Patrimoine. Pour comprendre pourquoi il était nécessaire de doubler le volume du bâtiment Eastman, les habitants ont demandé que le programme muséographique, à partir duquel les architectes avaient à travailler, soit rendu public. Il est effectivement indispensable de connaître la qualité, la répartition et les superficies des fonctions d’un tel musée (exposition permanente et/ou temporaire, locaux administratifs, espaces d’accueil, cafétéria, boutique…) pour pouvoir évaluer ce projet en toute connaissance de cause. Le représentant de l’administration du Parlement européen a fini par déclarer que cette information n’avait pas à être rendue publique.

Une concertation publique et un avis déconcertant

L’avis de la commission de concertation est un modèle de langue de bois : 
« Considérant que l’extension qui se situe dans la cour et en couronnement s’articule dans la composition des volumes du bâtiment existant » ;
« Considérant que le projet constitue un défi technique de créer un musée à la fois fonctionnel, accessible pour tous et sécurisé ».
Voilà un florilège d’arguments technocratiques et tautologiques visant à lever tout obstacle à la défiguration de ce qui doit, y compris dans le site classé du parc Léopold, s’adapter aux principes de la révolution immobilière permanente d’un quartier européen qui ne veut pas oublier qu’il s’appelle Léopold. Les Bruxellois ne sont pas des citoyens européens de seconde zone et ne peuvent s’accommoder d’un tel déni ni de la part des pouvoirs publics qui les représentent ni de la part des institutions européennes qu’ils ont accueillies. Ils exigent d’abord une publication du programme muséographique afin que chacun puisse évaluer si les fonctions qu’il impose aux architectes ne font pas double emploi avec le Parlamentarium, ou avec l’offre urbaine de la place Jourdan toute proche.

Ils demandent ensuite que le projet de musée soit redimensionné afin de le rendre compatible avec la conservation du patrimoine du parc Léopold, en accord avec les principes de la Charte de Venise (1) qui sont reconnus par les instances internationales et qui sont généralement d'application sur tout le territoire européen. La restauration exemplaire et récente de la Villa Empain (réalisée par la Fondation Boghossian) est bien la preuve qu'une activité culturelle ouverte bien au-delà des frontières de l'Europe rayonne aussi par la qualité tout en mesure de son installation dans cet autre bâtiment remarquable de Michel Polak. Le Parlement européen ne devrait pas s'exonérer de la règle commune en tirant profit d'une faille administrative (absence de classement). Nous ne nous attendons certainement pas de cette grande institution, à laquelle nous sommes tous attachés, qu'elle s'assujettisse à la rhétorique encombrante et mercantile qui semblent conduire l'ensemble du projet européen vers un avenir auquel les bruxellois comme tous les citoyens européens ne pourront adhérer.

(1) :  Article 6 en particulier : « La conservation d'un monument implique celle d'un cadre à son échelle. Lorsque le cadre traditionnel subsiste, celui-ci sera conservé, et toute construction nouvelle, toute destruction et tout aménagement qui pourrait altérer les rapports de volumes et de couleurs seront proscrits. »

Signataires : Association du Quartier Léopold, ARAU, Pétitions-Patrimoine, Fondation Boghossian (Villa Empain)


jeudi 24 mai 2012

Eastman massacre

Note : la Commission de concertation ayant été reportée, une nouvelle enquête publique a lieu du 26 mai au 9 juin. La nouvelle réunion de concertation aura lieu le 19 juin. Il est donc toujours possible de consulter le dossier à l'enquête à la Ville de Bruxelles (service Urbanisme) et de réagir durant la durée d'enquête ou lors de la réunion de concertation.
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L'enquête publique sur la transformation de l'ancien Institut Eastman en « Maison de l'histoire européenne » est en cours jusqu'à demain. Après l'ARAU et l'AQL, Pétitions-Patrimoine réagit à ce nouvel exemple d'inadapation d'un programme architectural démesuré à un bâtiment remarquable... ou comment bourrer deux fois trop de m2 en écrasant le patrimoine sensé l'accueillir.

L'Institut dentaire Eastman - photo © SashM

Un patrimoine unique

L’Institut Eastman est un bâtiment remarquable construit en 1934-1935 par l’architecte Michel Polak. L’architecte suisse Michel Polak (1885-1948) est aujourd’hui largement reconnu pour son œuvre architecturale exceptionnelle, particulièrement à Bruxelles durant les années 1920-1930 : Villa Empain, Résidence Palace, Hôtel Plaza, RTT (rue des Palais)… Maniant avec brio les styles de l’époque (Art Déco, Beaux-Art, modernisme classique), Michel Polak a marqué de son empreinte plusieurs immeubles aux programmes architecturaux uniques. Parmi ceux-ci, il faut noter l’Institut Dentaire George Eastman, implanté dans le Parc Léopold.

Dans un style moderniste teinté d’esprit classique, l’Institut Eastman présente, avec une sobriété d’usage des matériaux, une composition symétrique d’aspect monumentale, jouant essentiellement sur le traitement des volumes du bâtiment. On notera aussi le soin apporté aux détails des décorations et aménagements intérieurs : porte d’entrée en fer forgé, grand hall principal, salle d’attente, salle de conférence… Il n’est sans doute pas utile ici de s’étendre plus longuement sur l’intérêt et les qualités esthétiques, architecturales et historique de l’Institut Eastman car ils sont largement documentés par ailleurs. Voir notament ici et ici (avec plus de photos de détails) et des photos de son inauguration et état en 1935 ici.

Un projet inadapté


Malheureusement, le projet de « Maison de l’histoire européenne » tel que proposé est complètement inadapté au patrimoine sensé l’accueillir. Il est clair que le programme prévu est démesuré par rapport à la capacité de l’Institut Eastman à le recevoir, obligeant à une surélévation destructrice du bâtiment. Le programme d’affectation n’a manifestement pas été étudié et adapté aux possibilités et qualités du bâtiment. Dans le cadre de la réaffectation d’un patrimoine aussi remarquable, une telle démarche est à proscrire, étant l’inverse de la bonne pratique en la matière qui voudrait que l’on définisse le programme en fonction du patrimoine et non l’inverse.

Une vue du projet proposé

D’une part, la surélévation de l’Institut Eastman en détruit irrémédiablement la perception et la volumétrie, en alourdissant considérablement ses proportions et en noyant sa composition d’origine. D’autre part, certains espaces intérieurs sont sacrifiés (perte de perspectives internes notamment). Il n’est pas clair non plus si l’ensemble des éléments décoratifs d’origines encore présents sera conservé.

L'écrasement du Parc Léopold

Par ailleurs, il faut noter l’impact désastreux de la surélévation du bâtiment sur l’ensemble du parc Léopold classé. Alors que les bâtiments implantés dans le parc présentent une certaine homogénéité de gabarits, la surélévation de l’Institut Eastman créerait une rupture disharmonieuse dans cette cohérence d’échelle du bâti. Cette surélévation écrasante serait visible depuis de nombreux points de vue du parc, mettant à mal ses qualités paysagères.

Une vue du projet depuis le parc

L'écrasement du voisinage immédiat

Il faut aussi refuser la surélévation de l’Institut Eastman par rapport à ses voisins, en particulier le Lycée Jacquemain qui le jouxte. La surélévation de l’Institut Eastman aurait un impact négatif sur l’harmonie d’ensemble que forme ces deux bâtiments et aurait un effet d’écrasement sur le Lycée.

A gauche, le Lycée Jacquemain et, à droite, l'Institut Eastman

Le Lycée est un bâtiment intéressant et, aujourd’hui, les gabarits de sa façade monumentale s'accordent à ceux de l'Institut Eastman. La hauteur des corniches des deux immeubles est similaire. La composition des deux façades, malgré que l'une soit éclectique et l'autre moderniste, est empreint d'esprit classique : composition tripartite dont la partie centrale est mise en exergue par l'encadrement de deux ailes latérales. Au centre de la composition se trouve l'entrée principale. Ce dispositif, très académique, est ici joliment décliné sous deux modes : les ailes du Lycée sont plus hautes que la façade centrale, les ailes de l'Institut Eastman sont plus basses, la façade principale débordant assez subtilement par l'arrière de celles-ci.

Quel image pour l'Europe à Bruxelles ?


Enfin, d’un point de vue plus symbolique, l’implantation d’une « Maison de l’histoire européenne » par l’écrasement d’un bâtiment (et d’un site) important du patrimoine bruxellois paraît peu heureux. Au fond, ce projet ne deviendra-t-il pas, via cette manière écrasante de s’implanter sur l’Institut Eastman et dans le parc Léopold, plus emblématique de la manière brutale et urbanistiquement destructrice dont les instances européennes se sont historiquement installées dans Bruxelles ? Le demandeur et les autorités bruxelloises ont-ils vraiment envient de voir un nouveau « Berlaymonstre » ou « Caprice des Dieux » s’installer dans l’imaginaire populaire ? Si les autorités publiques européennes veulent redresser l’image négative en terme d’impact urbain qu’elles ont auprès d’une bonne partie de la population bruxelloise, une première étape serait de renoncer à ce projet si exemplaire d’une démesure écrasante pour le patrimoine et l’urbanité bruxelloise.

jeudi 17 mai 2012

Suspens rue Goossens

La Commission de concertation, réunie le 4 mai dernier, a reporté son avis sur la dernière demande de permis de transformation de la salle Vermeulen (rue Goossens 17-19, voir ci-dessous). L’examen de ce dossier a été reporté à une date encore indéterminée. En effet, l’instruction de la demande de permis est suspendue en raison de notre demande de classement par pétition du « petit théâtre » a été déposée au mois de février (pétition déposée par Pétitions-Patrimoine et soutenue par IEB).
L’instruction reprendra lorsque le Gouvernement notifiera sa décision, d’entamer ou non, une procédure de classement du bien. Le suspens reste entier mais, au moins, comme nous l’avions demandé à la Commission de concertation, les choses sont faites dans l’ordre. A suivre donc…

mercredi 2 mai 2012

Errare humanum est, perseverare diabolicum

Ce vendredi 4 mai 2012, se tiendra à Schaerbeek la troisième Commission de concertation consacrée au projet immobilier visant les 17-19-21 rue Goossens. Cette nouvelle demande de permis menace encore une fois de détruire les qualités patrimoniales de l’ancienne salle de spectacle en intérieur d’îlot (salle Vermeulen), en la divisant horizontalement et verticalement en logements. Pire encore que les précédentes demandes, le projet actuel vise également la démolition de l’intéressante maison à front de la rue Goossens (n° 19).

Au 19, rue Goossens, cette maison est maintenant aussi menacée de démolition

Bis repetita ou jamais deux sans trois ont envie d’écrire les associations et les riverains largement mobilisés contre le projet. Malgré deux refus, en mai et en décembre 2011, le promoteur CASCAD revient avec une demande ignorant à nouveau les qualités patrimoniales du bâti existant. Les deux refus de permis précédents furent pourtant motivés, entre autres, par l’inadéquation de l’affectation en logement de l’ancienne salle de théâtre qui est inscrite comme « équipement d'intérêt collectif » dans le Plan Régional d'Affectation du Sol (PRAS - prescriptions 8.1 et 8.2). A l’exception de la Commune de Schaerbeek, les membres de la Commission de concertation, suivant en cela l'avis de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS), demandaient aussi de prévoir une affectation qui préserve les qualités patrimoniales de cette salle de spectacle remarquable datant de 1889. Manifestement, ces demandes ne sont pas rencontrées par la nouvelle demande de permis.

Diviser la salle en plusieurs unités de logement (mal éclairés) la dénaturerait complètement.


Suite aux menaces repousées des deux premiers projets, Pétitions-Patrimoine avec l’aide des riverains et d’Inter-Environnement Bruxelles avait activé la procédure de demande de classement par pétition. Cette démarche a été couronnée par un large succès et la pétition a été déposée le 17 février 2012 par Pétitions-Patrimoine (voir notre article du 20/02/12). A ce stade, cette demande officielle de classement oblige la Région bruxelloise a prendre l'avis de la CRMS, établir un rapport et à prendre une décision sur cette demande de classement dans les trois mois de la réception officielle, ce qui n'a pas encore été fait. Nous demandons donc aux autorités de suspendre l'instruction de la nouvelle demande de permis jusqu'à cette décision régionale.

Les associations et les habitants du quartier réitèrent donc leur demande à la Région bruxelloise de classer cette salle remarquable et à la Commune de Schaerbeek d’aider à la perpétuation de cet équipement collectif au service d’un quartier qui en a bien besoin.

dimanche 18 mars 2012

Dur réveil pour une maison Art Nouveau

Au n° 4 de l’avenue Rogier se trouve une maison de maître Art Nouveau d’inspiration classique due à l’architecte Gabriel Charle. On doit aussi à ce dernier l’intérieur de la Maison Communale de St-Josse, la maison du peintre Lemmens au 74-76 de la rue de la Réforme à Ixelles ainsi qu’une splendide maison de rapport au n° 2 de la rue des Petits Carmes.

La maison avant travaux

Restée, telle une Belle au Bois Dormant, dans un état de semi-abandon pendant plusieurs années, la maison de l’avenue Rogier a survécu jusqu’à nos jours sans modification extérieure ni intérieure importante. Malheureusement, suite à un récent changement de propriétaire fin 2011, les châssis du dernier étage ont été remplacés par du PVC. Nous craignons dès lors le pire pour les reste des boiseries de la façade dont la superbe porte d'entrée et l'imposant. Des blocs Ytong étant apparus sur le trottoir, nous nous inquiétons aussi de modifications intérieures conséquentes qui pourraient intervenir sans permis et mettre à mal les éléments d'intérêt que contient la maison.

Cette situation illustre bien quelques problématiques bruxelloises : le manque de protection pour beaucoup de bâtiments de grande qualité patrimoniale, la méconnaissance par nombre de propriétaires de la valeur architecturale de leur bien (manque d’inventaire, de reconnaissance et d’éducation au patrimoine), une politique peu discriminante incitant au remplacement systématique des châssis anciens pour des raisons énergétiques.

Vu la qualité remarquable de la maison de l’avenue Rogier, nous avons écrit à M. Charles Picqué, Ministre en charge des Monuments et Sites afin de demander l’ouverture urgente d’une procédure de classement. Parallèlement, nous avons écrit à la Commune de Schaerbeek afin d’appuyer cette demande et de vérifier si un permis avait été demandé pour les transformations le nécessitant.

La réponse de la Commune de Schaerbeek nous informe que son service de l’urbanisme était déjà descendu sur les lieux pour faire arrêter les changements de châssis illégaux et placer les scellés sur les travaux entamés sans les autorisations requises. On peut donc s’attendre à ce qu’une demande de permis de régularisation soit déposée bientôt.

De son côté, M. Picqué nous a répondu, en date du 8 février que notre demande a été transmise à l’administration et qu’il ne manquerait pas de nous tenir informé du suivi. Depuis, nous n’avons plus eu de nouvelle… Il serait pourtant utile d’agir sans tarder si l’on veut que l’ouverture d’une procédure de classement intervienne suffisamment en aval d’une demande de permis. En effet, cette mesure, prise rapidement, permettrait de guider et aider le propriétaire à mettre en œuvre une rénovation plus respectueuse de cet élément important du patrimoine architectural régional.