dimanche 15 juillet 2012

Disparition de l'ancien Chalet Scolaire de Calvoet

Début juin, les infrastructures historiques de l’ancienne Colonie du Jour d’Uccle Calevoet (1912) ont finalement été démolies malgré diverses tentatives de quelques riverains pour les sauver. L’ensemble situé rue E. Van Ophem et aménagé en 1912 (il y a tout juste 100 ans) pour le compte du Cercle des Éclaireurs des Deniers des Écoles (organisation émanant de la Ligue de l'Enseignement), constituait pour l’histoire locale et régionale un rare témoin de l’action sociale du début du XXe siècle en faveur des enfants démunis. À plusieurs niveaux cet ensemble remarquable méritait qu’il soit préservé tant il caractérisait le contexte sociopolitique et culturel de l’époque qui le vit naître. L’architecte en était le philanthrope Raymond Foucart qui fut par ailleurs bourgmestre de Schaerbeek de 1921 à 1927.

Le Chalet Scolaire et son préau peu après sa construction

Vue du pignon depuis la rue peu avant la démolition

Nous sommes évidemment déçus par cette démolition mais pas pour autant étonnés. D’expérience, la Commune d’Uccle ne s’est que rarement montrée très réceptive à la protection de son patrimoine. Que l’on se rappelle, par exemple, le cas de la villa Pelseneer (av. Winston Churchill) ou de la villa Cohen (av. J. et P. Carsoel) toutes deux sauvées in extremis par leur classement ou par la disparition du 199 av. Brugmann ou de la villa Firwood (av. du Prince d’Orange), on ne peut pas dire que la Commune ait joué un rôle d’avant garde dans la reconnaissance et la volonté de préserver le patrimoine… que du contraire.

Pourtant, dans un premier temps, la découverte des plans originaux par l’ACQU (Association des Comités de Quartiers Ucclois) ainsi que de l’identité de l’architecte - et de fil en aiguille de l’historique de l’immeuble - avait provoqué l’enthousiasme de nombreuses personnes notamment au sein de l’administration communale. L’échevin lui-même avait, lors de la première Commission de concertation de septembre 2010, montré de l’intérêt pour le Chalet Scolaire et son singulier jeu de colombage en façade. Or, aux yeux du maitre d’œuvre (la firme BPI), les édifices historiques portaient « atteinte à la qualité architecturale et à l’esthétique de l’environnement urbain » et constituaient donc une nuisance pour la  commercialisation des bâtiments voisins alors en cours d’achèvement. Il semble évident que cet argument douteux n’avait pour réel objectif que d’obtenir la réalisation du projet sans délai et sans s’encombrer des derniers vestiges architecturaux présents sur le site.

Les plans retrouvés (ici le préau) montre l'originalité de son architecture

Un compromis réaliste aurait pu être adopté tant en faveur du patrimoine architectural que des intérêts de la firme BPI. Ceci dans la mesure où il aurait été possible de construire sur l’ancien terrain de sport de la Colonie tout en maintenant l’immeuble principal du site, à savoir le Chalet Scolaire et son préau. Malgré son âge respectable cet ensemble architectural était, jusqu’il y a peu, encore en excellent état de conservation. Comme il n’occupait qu’un infime partie du terrain à lotir, son maintient ne nuisait en aucune sorte, ou alors si peu, à l’investissement financier escompté. Le développement de ce vaste terrain aurait eu le mérite de se faire de manière équilibrée, en dialogue avec les caractéristiques originelles et patrimoniales des lieux.

Au début de mois de juin, en même temps qu’a lieu la démolition, l’enquête publique pour le lotissement du terrain était en cours. Le lotissement tel que proposé ainsi que la disposition des bâtiments futurs se révèle, sans beaucoup de surprise, banal et sans créativité. C’est d’autant plus frustrant car il n’aurait donc pas été beaucoup plus compliqué d’y intégrer le chalet scolaire. L’effort n’a simplement pas été accompli. C’est évidemment plus facile d’adopter le principe de la tabula rasa. Pourquoi s’encombrer de contraintes ? La qualité architecturale et la valeur historique du pavillon scolaire auraient toutefois pu donner au futur quartier en cours d’urbanisation l’âme, l’identité et la saveur qui maintenant lui manqueront cruellement. A la place, nous aurons un banal lotissement périurbain supplémentaire…

On regrettera que la Commune qui aurait pu conduire cet arbitrage pas trop compliqué (vu la surface disponible, même sans démolition du patrimoine) entre sauvegarde du patrimoine et développement de son territoire par un promoteur privé, n’a pas du tout joué son rôle de garant du bien public dans cette histoire. D’une part, les recherches en archives qui ont révélé l’intérêt historique du Chalet Scolaire dans ses propres archives ont été réalisé par le comité de quartier (ACQU) et, d’autre part, une fois cet intérêt révélé, la Commune n’a pris aucune décision pour empêcher la destruction du bâtiment alors qu’elle avait la possibilité de mettre cette condition minime à l’octroi du permis. Ce manque d’initiative paraît assez effarant et, manifestement, ce n’est pas cette fois que la Commune d’Uccle fera mentir sa triste réputation d’insensibilité au patrimoine.

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