dimanche 17 février 2013

Pétition pour les prisons de Forest et St-Gilles

Note : La pétition est cloturée et a été déposée à l'administration. Il n'est plus nécessaire de nous renvoyer des signatures. Merci pour votre aide.

Avec le déménagement prévu des prisons de Saint-Gilles et Forest à Haren, cela fait quelques temps que nous nous inquiétons du sort des bâtiments de ces deux prisons historiques une fois le transfert des détenus effectué. Notre inquiétude est d’autant plus grande que les déclarations des responsables politiques ne sont pas très claires à ce sujet. Va-t-on tenter de valoriser les terrains au maximum en faisant à peu près table rase des bâtiments ? Ou bien une véritable réflexion sur l’intérêt, la protection et la ré-affectation de ce patrimoine va-t-elle avoir lieu préalablement ?

L’échéance du transfert des détenus n’est pas proche vu que le projet de construction de la prison de Haren est encore au stade de la définition du programme. Cependant, l’absence de débat public ou d’annonce sur l’avenir des prisons historiques de St-Gilles (construite en 1878-1884) et Forest (construite en 1901-1910) est plutôt inquiétant. Va-t-on une fois de plus mettre la charrue avant les bœufs et vendre les bâtiments et voir des appels à projets apparaître avant qu’une simple étude du patrimoine présent ait même eu lieu ?

Pour palier à cela, Pétitions-Patrimoine a décidé de lancer une pétition de classement pour le site des deux prisons de St-Gilles et Forest.

L'intérêt des prisons

L'entrée de la prison de St-Gilles (carte postale ancienne)

Du point de vue architectural et urbain, force est de constater la valeur exceptionnelle du double complexe carcéral de Saint Gilles (1878-1884) et  de Forest (1901-1910). Notons tout d’abord que l’enfilade des deux prisons, prévue dès le départ par Victor Besme au sein de son Plan d’ensemble pour l’extension et l’embellissement de l’agglomération bruxelloise (1866) constitue un cas d’école unique en Europe. La vétusté et l’impopularité de l’ensemble joue hélas en sa défaveur et en occulte les valeurs intrinsèques. La qualité est pourtant réellement au rendez-vous  et ne se limite pas qu’aux seuls « châtelets d’entrée ».  Loin de là. Comme bon nombre d’édifices érigés au XIXe siècle, les architectes Joseph Jonas Dumont, François Derré (St-Gilles) et Bouckaert (Forest) se sont appliqués à donner à leur projet une véritable cohérence d’ensemble. Evoquant l’architecture religieuse ou militaire tardo-médiévale, un style gothique de pierre, de fer et de verre, accompagne quiconque pénètre dans les prisons depuis l’entrée jusqu’au cœur des édifices. Une véritable scénographie architecturale, subtile et savante associe l’esthétique et la symbolique à la modernité et l’efficacité du programme.

Vue sur la partie centrale de la prison de St-Gilles

Chacun des deux complexes adopte un plan rayonnant : cinq branches à St Gilles, quatre à Forest. Ce plan caractéristique du système cellulaire s’inspire de principes développés par d’imminents criminologues anglais et américains de l’époque et dont la prison de Pentonville en Angleterre constituait l’archétype. Au centre du complexe St-Gillois, la plus grande prison du pays, trône l’imposante chapelle. Celle-ci, implantée sur le point le plus haut de la commune, est exceptionnelle tant par ses proportions et ses volumes que par son plan centré particulier.


La prison de Forest

A Forest la chapelle occupe aussi le centre de la prison. Un très bel éventail de grandes fenêtres ogivales marque également son emplacement à la réunion des cinq ailes, au cœur de l’édifice. Si le portail massif de St Gilles fait référence au style Tudor d’origine anglaise, vingt ans plus tard l’architecte Bouckaert préféra s’inspirer de l’architecture brabançonne pour l’élévation des élégantes façades de la prison de Forest. Cet ensemble, qui fait penser, à s’y méprendre, à un beau manoir du XVIe siècle, et malgré qu’il ne profite pas du même dégagement que la façade de la prison de St Gilles, n’en est pas moins plastiquement très abouti.

L'intérieur de la chapelle de la prison de Forest conserve des éléments de grande qualité

Vue aérienne du centre de la prison de Forest (© 2013 BLOM © 2013 Microsoft Corporation)

Pourquoi classer ?

Sans doute y a-t-il sur ces sites des bâtiments et aménagements plus récents qu’il ne faudrait pas maintenir mais, faute d’accès facile derrière les murs (on comprend pourquoi), il est difficile de se faire une idée précise de ce qui vaut la peine d’être conservé et de ce qui pourrait disparaître.

C’est justement pour avoir cet inventaire et étude précise du patrimoine intéressant des sites que nous lançons cette pétition. Pour que le débat sur la qualité et le maintien de ce vaste patrimoine soit ouvert et public. En effet, depuis la modification du CoBAT en 2009, la portée de la pétition de classement a été largement réduite, la Région n’ayant plus aucune obligation d’ouvrir une procédure de classement. L’expérience récente de la salle Vermeulen est là pour le confirmer. Toutefois, dans le cas présent, la pétition garde l’intérêt d’obliger à ce que la CRMS rende un avis sur la demande de classement et, donc, sur l’intérêt du patrimoine présent. Une étude de ce patrimoine devra donc avoir lieu et pourra être rendue publique. De plus, le Gouvernement régional devra aussi se prononcer publiquement sur le classement. Il y aura donc un débat qui pourra être rendu publique sur la manière dont l’autorité régionale compte prendre en compte le patrimoine sur ces sites, ceci, avant qu’ils soient vidés.

Signer et faire signer la pétition

La feuille de pétition au format PDF est téléchargeable en cliquant ici

Les instructions pour la remplir se trouvent en page 2 du document. Rappelons qu’il est impossible de réaliser une pétition conforme au CoBAT par voie électronique (pas de signature en ligne). Dès lors, il faut impérativement imprimer les feuilles de pétition, les faire remplir à la main et nous les renvoyer avant la fin mars à :

Pétitions-Patrimoine
Rue du Marteau 19
1000 Bruxelles


Merci d’avance pour vos efforts.

dimanche 27 janvier 2013

A l'abandon - 07

La série « A l’abandon » a pour but de mettre en lumière certains bâtiments laissés manifestement à l’abandon depuis quelques temps. Il ne s’agit pas spécialement de bâtiments pour lesquels Pétitions-Patrimoine a entrepris une action spécifique, bien que, si c’est le cas, nous l’indiquerons. Il ne s’agit pas non plus toujours de bâtiment faisant l’objet d’une menace directe. Non, il s’agit, ici, de dresser un constat et de se demander pourquoi des bâtiments d’une telle qualité architecturale sont laissés anormalement vides pendant plusieurs mois ou années.

Si vous même, vous connaissez un cas d'immeuble de qualité laissé à l'abandon, n'hésitez pas à nous en faire part. Contactez-nous

Rue de la Gouttière 17 et 19 à Bruxelles

Derrière le bâtiment massif de la FMSB (angle rues du Midi et des Bogards) se trouve la petite rue de la Gouttière. Cette rue très ancienne (probablement XIVe siècle) a conservé trois maisons à pignons traditionnelles. Ces maisons datent du XVIIe siècle, avec, parfois, quelques légères transformations au XIXe siècle.

Malheureusement, deux de ces maisons sont vides à l'abandon depuis plusieurs années. L'état de celle au n° 17 est particulièrement préoccupant avec ses entrées murées et plusieurs carreaux cassés. Il semble y avoir eu des débuts de travaux au n° 19 mais, aujourd'hui, elle est bel et bien vide et sa façade est en mauvais état.

De gauche à droite, les 19 et 17 rue de la Gouttière à Bruxelles

L'état inquiétant du n° 17

Détail des deux pignons

Dans la même série, voir aussi :
A l'abandon - 01 (boulevard Wahis, 35)
A l’abandon - 02 (boulevard Jaspar 102 et 103)
A l’abandon - 03 (chaussée d’Alsemberg 323)
A l'abandon - 04 (rue Paul Devigne 5)
A l’abandon - 05 (chaussée de Wavre 308 – Maison Hap)
A l’abandon - 06 (rue Lambert Crickx 14)

Permis délivré pour la salle Vermeulen

Ca y est, la Commune de Schaerbeek a délivré le permis d’urbanisme pour la transformation de la salle Vermeulen en appartements. Cette salle des fêtes remarquables avait été l’objet de notre dernière pétition de classement en 2012. Malgré l’avis favorable de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS), le gouvernement régional avait rejeté la demande de classement ouvrant la voie au projet privé soutenu par la Commune.

Si, dans son arrêté de non-classement, la Région avait bien émis quelques recommandations pour le maintien de certains éléments, le permis délivré ouvre la voie à la démolition de l’intéressante maison à front de rue et à la perte de la salle comme équipement collectif pour le quartier.

Le plus inquiétant dans ce dossier est au final la manière dont ont été traitées les demandes de habitants mobilisés en masse pour la sauvegarde de la salle et, ce, tant en ce qui concerne le rejet de la pétition de classement que lors de la Commission de concertation pour laquelle les plans définitifs n’étaient pas consultables.

Le permis d’urbanisme est téléchargeable sur le site d’IEB à cette adresse :


Détail de la charpente métallique de la salle

La maison condamnée au 19, rue Goossens

jeudi 13 septembre 2012

Pétition de classement : la fin des illusions

En déposant notre pétition de classement pour l’ancienne salle de spectacle Vermeulen à Schaerbeek, nous étions confiants : le bâtiment est rare et remarquable, la mobilisation des habitants importante et l’enjeu économique du projet qui le menaçait initialement était faible (5 appartements). La Région bruxelloise aurait ainsi pu montrer à peu de frais qu’elle reste à l’écoute des demandes citoyennes. Il n’en fut rien, la Région refuse le classement et accorde au promoteur le droit de transformer et morceler l’ancienne salle de spectacle. Le projet est passé le vendredi 7 septembre en concertation à Schaerbeek.


Le 17 février 2012, Pétitions-Patrimoine déposait le dossier complet de demande de classement de l’ancienne salle de spectacle André Vermeulen au 19 de la rue Goossens à Schaerbeek. Parmi les documents, la demande officielle par pétition de près de 450 bruxellois remplies selon les termes légaux du CoBAT (nom, prénoms, adresse, n° de carte d’identité, adresse, date de naissance). Ce nombre important est le résultat d’une forte mobilisation des habitants du quartier qui tiennent à ce patrimoine exceptionnel.

En effet, la salle Vermeulen fait réellement partie de l’histoire du quartier Colignon. Ce bâtiment fut construit en 1889 par la société de Saint Vincent de Paul dans un but social, de loisirs et de festivités. Cela pour aider les jeunes et spécialement les plus démunis. Des initiatives vont voir le jour, qui aujourd’hui, nous paraissent tout à fait normales mais qui étaient révolutionnaires pour leur époque, comme, par exemple, en 1897 la création d’une caisse d’épargne. La salle possède également un intérêt esthétique au vu de son architecture et de ses décorations mais aussi un intérêt technique car ce fut un des tout premiers bâtiments bruxellois éclairés au gaz.

Les experts de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS) furent donc enthousiastes pour soutenir la demande de classement en y donnant un avis positif solidement motivé.

A l’origine de la mobilisation des habitants et association pour la défense de la salle était un projet immobilier la dénaturant en la divisant en 5 appartements. Ce projet avait d’ailleurs été par deux fois rejeté en Commission de concertation, en juin et novembre 2011. La pétition de classement avait dès lors pour but d’éviter qu’un nouveau projet, à nouveau à peine amendé, ne soit remis sur la table et que le classement permette d’orienter une fois pour toute une rénovation de la salle qui prenne en compte ses qualités historiques. En acceptant le classement, le gouvernement bruxellois aurait pu montrer son attachement à préserver un patrimoine intéressant, soutenu par la population du quartier et ceci sans qu’il y ait un enjeu économique colossal attaché à sa préservation. Pourtant, le 19 juillet 2012, en réponse à la pétition de classement et malgré l’avis favorable de la CRMS, le gouvernement bruxellois décidait de ne pas classer la salle Vermeulen.

Dès lors, on se demande à quoi peut bien encore servir le recours à une pétition de classement légale ? Il y a déjà longtemps que le gouvernement refusait d’accorder le classement par pétition d’immeubles ou sites soumis à la pression de gros projets immobiliers (Heron sur l’avenue de la Toison d’Or, ateliers Citroën sur la place de l’Yser, anciens entrepôts Delhaize sur le quai des Péniches, usines Godin au quai de l’Industrie, etc.). Il faut en conclure que, maintenant, ce sont aussi les micro-projets immobiliers qui deviennent intouchables.

Suite à la dernière réforme du CoBAT (Code Bruxellois de l'Aménagement du Territoire) qui en avait réduit la portée légale en 2009, nous avions déjà dénoncé le fait qu’en l’absence de volonté politique du gouvernement, la pétition de classement citoyenne serait réduite à un écran de fumée juridique. Nous n’avions pourtant pas voulu céder au pessimisme et au procès d’intention. Hélas, aujourd’hui, ce cas exemplaire démontre que cette triste prédiction se révèle la réalité.

jeudi 9 août 2012

A l'abandon - 06

La série « A l’abandon » a pour but de mettre en lumière certains bâtiments laissés manifestement à l’abandon depuis quelques temps. Il ne s’agit pas spécialement de bâtiments pour lesquels Pétitions-Patrimoine a entrepris une action spécifique, bien que, si c’est le cas, nous l’indiquerons. Il ne s’agit pas non plus toujours de bâtiment faisant l’objet d’une menace directe. Non, il s’agit, ici, de dresser un constat et de se demander pourquoi des bâtiments d’une telle qualité architecturale sont laissés anormalement vides pendant plusieurs mois ou années.

Si vous même, vous connaissez un cas d'immeuble de qualité laissé à l'abandon, n'hésitez pas à nous en faire part. Contactez-nous
 
Rue Lambert Crickx 14 à Anderlecht

Ce bâtiment ouvert à tout vent est situé dans le quartier de Cureghem à Anderlecht et nous a été signalé par une voisine. Il s’agit d’un intéressant petit immeuble à appartement sur rez-de-chaussée commercial. De style éclectique, il incorpore divers éléments Art Nouveau : sgraffites, taille de certaines pierres bleues, petites consoles de corniche. L’intérêt de cet immeuble réside aussi dans le dessin soigné de sa façade qui par ses retraits et divisions met en exergue la verticalité du bâtiment.

L’immeuble date probablement des années 1910, époque où la rue fut tracée à l’emplacement de l’ancienne Ecole Vétérinaire qui déménagea, non loin de là, à l’emplacement qu’on lui connaît actuellement à la bien nommée rue des Vétérinaires. Malheureusement, ce bâtiment remarquable et classé constitue aujourd'hui aussi un beau cas d'abandon, mais c'est une autre histoire...

Le triste état actuel de la façade

L’immeuble semble abandonné depuis plusieurs années mais, à notre connaissance, était encore en bon état avec ses fenêtres intactes à la mi-2009. Il semble donc avoir subi des dégradations relativement récentes et le fait de voir une bonne partie des fenêtres brisées indique un acte de vandalisme délibéré qui risque d’accélérer la ruine du bâtiment. Quoi qu’il en soit, on peut en tout cas craindre que, comme souvent, les boiseries et châssis seront les premiers à souffrir du manque de protection et d’entretien et seront les premiers à être sacrifiés si une rénovation peu réfléchie intervient. Il serait particulièrement dommage de voir disparaître les châssis d’origines dont la fine division des impostes joue un rôle important dans l’esthétique de la façade.

Dans la même série, voir aussi :
A l'abandon - 01 (boulevard Wahis, 35)
A l’abandon - 02 (boulevard Jaspar 102 et 103)
A l’abandon - 03 (chaussée d’Alsemberg 323)
A l'abandon - 04 (rue Paul Devigne 5)
A l’abandon - 05 (chaussée de Wavre 308 – Maison Hap)

mercredi 18 juillet 2012

PRAS démographique : pour qui exactement ?




L’enquête publique sur l’adoption du « PRAS démographique » s’est achevée récemment, le 13 juillet dernier. Le PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol) est le plan régional qui défini les affectations (logement, commerce, bureau, espaces verts, industrie…) sur l’ensemble du territoire bruxellois. Il défini sur une carte des zones (« zone de logement », « zone de forte mixité », « zone d’industrie urbaine »…) pour lesquelles des prescriptions définissent ce qu’il est possible d’implanter comme affectations, dans quels proportions et dans quels conditions. Par exemple, en « zone de logement à prédominance résidentielle », il est possible de construire des hôtels de maximum 20 chambres alors qu’en « zone de forte mixité », les hôtels peuvent avoir un maximum de 80 chambres. Le PRAS défini aussi les possibilités de dérogations, notamment par l’adoption de PPAS (Plans Particuliers d’Affectation du Sol) et des prescriptions plus générales comme la prescription 0.9. qui donne la possibilité de déroger aux prescriptions d’une zone donnée afin de ré-affecter un bâtiment classé.

Pour ce qui concerne plus directement le patrimoine, outre cette prescription 0.9., le PRAS défini une prescription ZICHEE (« zones d’intérêt culturel, historique, esthétique ou d’embellissement ») pour une série de périmètres défini sur la carte en surimpression des affectations principales. Malheureusement, la portée de la ZICHEE est minime. Il est simplement prévu de demander un avis de la Commission de concertation lors de projets de démolitions ou transformations visibles depuis l’espace public… mais pas d’enquête publique. La portée de cette prescription reste donc en partie en dehors du débat public et, sans portée vraiment contraignante, n'empêche pas les démolitions de bâtiments de valeur.

Les prescriptions et cartes du PRAS sont consultables en ligne à cette adresse.

Pourquoi revoir le PRAS ?

La mise à l’enquête du « PRAS démographique » est, en fait, essentiellement une modification partielle du PRAS adopté en 2001, avec pour objectif affiché par le gouvernement régional de répondre au « boom démographique » bruxellois, ainsi que de mettre en œuvre son PDI (Plan de Développement International). On notera au passage que ce PDI est un plan non prévu par la législation qui a été adopté sans enquête publique et qui vise essentiellement à définir l’aménagement de certaines zones (abords de la gare du Midi, Delta, Heysel…) en vue de développer la « vocation international » de Bruxelles. La définition et la pertinence de ce développement n’a jamais été vraiment débattu publiquement et a fait l’objet de plusieurs critiques : voir ici ou ici.
Le développement du Heysel tel que porté par le PDI : grand centre de congrès, centre commercial…        sans débat public

La réaction de Pétitions-Patrimoine et des associations

Dans le cadre de l’enquête publique, Pétitions-Patrimoine, ainsi que IEB et plusieurs associations d’habitants s’est penché sur les 1.200 pages du projet de révision du PRAS et de son étude d’incidence. Si chacune des associations a étudié ce plan en fonction de ses préoccupations propres (territoriales et/ou thématiques), on constate une certaine convergence dans les critiques. Ce plan est prématuré alors que le PRDD (Plan Régional de Développement Durable), qui est le plan d’orientation générale de la Région, est en cours d’élaboration. Par ailleurs, les données et analyses démographiques qui fonde la révision du PRAS sont discutables. Enfin, les solutions proposées par le PRAS, comme la création d’une nouvelle « zone d’entreprise en milieu urbain » (ZEMU – largement ouverte au logement) au lieu de zones d’industrie ne résoudront pas le problème du logement pour la population à venir tout en risquant de faire perdre à Bruxelles de précieux terrains industriels susceptibles de fournir de l’emploi aux habitants, en particuliers les moins qualifiés.

Le PRAS démographique est-il taillé sur mesure pour ce type de projets de promotions privées de luxe ?     (ici, le projet Rives le long du canal à Anderlecht à la place de zones d'industries)

Il est possible de télécharger au format PDF les analyses et réclamations officielles de plusieurs associations dont Pétitions-Patrimoine sur le site d’IEB à cette adresse, ainsi que l’avis d’IEB à celle-ci.

L’analyse de Pétitions-Patrimoine


De notre côté, nous nous sommes attelés à une analyse de l’ensemble des prescriptions du PRAS, partant du principe que ce plan forme un tout et que sa modification doit aussi prendre en compte une analyse de ses effets (pas toujours positifs pour le patrimoine) depuis son adoption il y a plus de dix ans. En tant qu’association de défense du patrimoine, nous nous sommes attaché à l’analyse des prescriptions ayant directement trait au patrimoine (ZICHEE…) mais aussi des prescriptions liées à l’affectation du sol qui ont ou risquent d’avoir un impact négatif sur le patrimoine bruxellois au sens large. C’est pourquoi, nous avons porté un regard attentif sur les prescriptions potentiellement génératrices de démolitions ou d’abandons spéculatifs.

Notre document d’analyse étant assez long et technique, nous vous en proposons ici la partie qui concerne la philosophie générale du plan sans entrer dans le détails des prescriptions que l’on peut retrouver dans le document complet à télécharger ici.

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(extrait de l’avis de Pétitions-Patrimoine sur le PRAS démographique)

Critique de la philosophie générale du PRAS démographique

Il nous semble particulièrement anormal que le projet de modification du PRAS démographique soit adopté avant la réalisation et l’adoption du PRDD actuellement en cours d’élaboration et dont l’objectif est de définir préalablement les grandes orientations du « projet de ville » pour la Région de Bruxelles-Capitale. Le PRAS, qui ne devrait être que le « plan d’exécution » du PRDD, va ainsi prendre et figer des orientations importantes pour le développement de la Région en court-circuitant les débats et réflexions qui devraient avoir lieu dans le cadre le l’élaboration du PRDD. Par exemple, par la création d’un nombre significatif de ZEMU le long de l’axe du canal, le PRAS impulse une dynamique de transformation résidentielle de cet axe au détriment de l’industrie et des activités productives ou de manutention, ceci, alors qu’aucun débat préalable global n’a eu lieu sur la place de ces activités (et de l’éventuelle relocalisation de l’industrie) en Région bruxelloise, débat qui doit s’inscrire dans une réflexion générale qui inclue notamment le type d’emploi désiré et adéquat pour la population bruxelloise, la problématique des transports des marchandises et de la navette des travailleurs, l’augmentation inéluctable des coûts de l’énergie (pic pétrolier, demande mondiale en hausse…), la préservation du patrimoine industriel comme mémoire collective…

La justification de l’adoption rapide et précipitée de ces modifications du PRAS par la nécessité de répondre à une demande de logement induite par l’augmentation prévue de la population bruxelloise nous paraît peu étayée et réductrice. Peu étayée et réductrice car, dans l’arrêté soumis à l’enquête publique, l’étude des besoins se base sur un rapport simpliste de surface disponible/population en fonction de moyennes régionales (surface/logement…) dont la pertinence est discutable. Rien n’est dit sur la composition socio-économique des nouveaux habitants (pauvres, riches, moyens ?) ou sur leur pyramide des âges (ce qui influe fortement sur la taille et composition des ménages et les besoins en équipements). Il manque d’ailleurs une réelle analyse des besoins en équipements divers (écoles, maisons de retraite, hôpitaux…) nécessaires à l’accompagnement de cette expansion démographique.

De plus, le PRAS en tant que simple plan d’affectation ne nous paraît pas l’outil le plus susceptible d’apporter une réponse aux besoins de logement futures de la population. Par exemple, pourquoi se précipiter à ouvrir, via les ZEMU, de nouvelles zones généralement peu propices au logement (zones industrielles polluées, mal connectées au réseau de transport publiques… cfr. analyse point 4bis plus bas) alors que l’expérience nous montre que le programme des grandes ZIR susceptibles d’accueillir du logement et définies par le PRAS il y a plus de 10 ans (Gare de l’Ouest, Gare Josaphat, Tour et Taxis…) n’ont pas encore vu la moindre réalisation concrète en terme de logement ? Ceci démontre que le PRAS n’apparaît être qu’un outil partiel s’il ne s’accompagne pas de la mise en place préalable d’outils de maîtrise du foncier, de captation des plus-values et d’orientation sur la nature du logement (par exemple par l’obligation d’une proportion de logement social à mettre en œuvre dans les projets). L’adoption d’une modification du PRAS avant la mise en place de ces outils nous paraît mettre la charrue avant les bœufs car l’ouverture tout azimut de nouvelles surfaces destinées au logement ne garanti en rien leur urbanisation effective et, encore moins, d’une manière susceptible de répondre aux besoins de la population (par exemple par la création d’une proportion significative de logement social).

Enfin, il nous paraît particulièrement anormal que le projet de modification partiel du PRAS ne s’appuie pas sur une analyse critique, systématique et détaillée du fonctionnement et des conséquences du PRAS depuis qu’il a été adopté en 2001. Quels impacts ont eu ses prescriptions ? Quels effets pervers a-t-on pu éventuellement relever ? Quelles prescriptions s’avèrent inutilisables, inutilisées ou obsolètes ?

Au final, l’impression qui se dégage de la proposition de révision du PRAS soumise à l’enquête publique est celle d’un plan partiel qui, sous couvert de démographie, est principalement destiné à répondre de manière opportuniste à un certain nombre de projets de promotion immobilière (NEO, City Docks, hôtel sur le site du couvent Gésù…). Ceux-ci ne sont d’ailleurs souvent pas nommément cités et explicités dans les documents à l’enquête publique. Ce genre de pratique d’une planification ad hoc, faite pour répondre aux demandes peu transparentes du secteur immobilier, a déjà engendré de nombreux abus et erreurs dans la création de PPAS locaux par le passé, ceci sans d’ailleurs toujours rencontrer le succès escompté en terme de réalisation effective. Pour Pétitions-Patrimoine, ce type de planification répondant sans le dire plus à des intérêts particuliers que généraux doit être proscrit, d’autant plus dans un plan à portée régionale.

En conséquence, Pétitions-Patrimoine considère que la révision du PRAS devrait être abandonnée à ce stade et être remise en œuvre lorsque les conditions suivantes auront été établies :
– adoption du PRDD dans le cadre d’une vaste campagne de diffusion de l’information (démographie, études économiques, étude du foncier, santé…) et d’une large enquête publique ouverte permettant aux habitants de faire émerger les questions et préoccupations qui les concernent ;
– évaluation complète et indépendante des effets des prescriptions du PRAS actuel et de ses lacunes en terme d’opérabilité ;
– mise en place d’outils réglementaires permettant une maîtrise du foncier et une captations des plus-values par les pouvoirs publics, assorti des outils pour le nécessaire contrôle démocratique permanent de leurs usages.

dimanche 15 juillet 2012

Maison de l’histoire européenne : le Parlement doit d’abord rendre public le programme muséographique

Installer une « Maison de l’histoire européenne » à Bruxelles dans le parc Léopold et dans le quartier européen, pourquoi pas, si, après le Parlamentarium, la pertinence de l’installation d’un deuxième équipement de communication du Parlement européen est démontrée en ces temps d’austérité. S’il s’agit également de susciter l’adhésion des citoyens européens à un projet politique qu’ils ne comprennent plus, est-il cohérent de le faire sans respecter un espace vert protégé situé dans un quartier particulièrement dense et encombré ? Nous attendons de ces institutions, que nous avons accueillies à Bruxelles avec bienveillance et au prix du sacrifice d’une part importante de notre cadre de vie, qu’elles respectent d’abord les valeurs et les devoirs qui fondent l’idéal européen, en particulier lorsqu’il s’agit de son patrimoine architectural et paysager, d’autant plus quand il est question de mettre en valeur l’histoire de l’Europe.

L'Institut dentaire Georges Eastman et ses proportions soignées, juste après sa construction en 1935 - ©Universiteitsbibliotheek UGent [open] - cliquer pour agrandir

Le Parc Léopold s’inscrit dans la permanence

C’est une des rares parcelles de ce secteur de Bruxelles à ne jamais avoir été bouleversée par la constante modernisation fonctionnelle du quartier, on y trouve les traces les plus anciennes du paysage originel de la vallée du Maelbeek. C’est un écrin pour chacun des bâtiments remarquables qui y ont été construits et c’est un îlot de calme et d’harmonie dans un environnement hétéroclite à la qualité architecturale et urbanistique souvent déficiente. Le secteur associatif bruxellois a su le protéger en contribuant activement à son classement en tant que site en 1976 et pour plusieurs de ses bâtiments en 1987-1988. Le site est par ailleurs situé en Zone d’Intérêt Culturel Historique Esthétique et d’Embellissement.

L’Institut dentaire George Eastman s’inscrit dans une filiation

L’Institut Eastman a été construit en 1934-1935 par l’architecte Michel Polak qui est largement reconnu pour son œuvre, particulièrement à Bruxelles durant les années 1920-1930 (Villa Empain, Résidence Palace, Hôtel Plaza, ancien bâtiment de la RTT rue des Palais). Il a marqué de son empreinte de nombreux immeubles aux programmes architecturaux uniques et parmi ceux-ci l’Institut dentaire, financé par le mécène américain George Eastman à la suite d’autres opérations analogues réalisées à Stockholm, Paris, Rome, New York et Londres. Il faut noter que toutes ces institutions, sauf la bruxelloise, fonctionnent encore aujourd’hui dans le respect de leur vocation prophylactique et sociale d’origine.

Le projet de la « Maison de l’histoire européenne » s’inscrit dans le contexte dérégulateur du quartier européen

Il faut se rappeler que si l’Institut Eastman n’a pas été classé dans la foulée d’autres bâtiments du Parc Léopold en 1988, on le doit déjà au Parlement européen qui souhaitait y garder les coudées franches pour y aménager des salles de réunion. L’irrespect d’hier autorise donc aujourd’hui les atteintes au patrimoine. La désinvolture face aux normes en matière d’urbanisme et de patrimoine dans le parc Léopold est le reflet de ce qui se passe sur la rue Belliard (tour Van Maerlant, projet de démolition/reconstruction de l’ancienne BACOB) dans le sillage du « Projet urbain Loi ». L’auteur du projet architectural ne s’est pas privé de justifier sa surélévation de 3 étages du bâtiment ancien par les nouveaux gabarits envisagés aux abords du parc et par l’éclectisme stylistique des immeubles situés en dehors du site classé. Il signale, par contre, qu’à Paris, il avait dû enterrer le programme qui lui avait été imposé pour le Petit Palais, Bruxelles n’étant pas Paris, son patrimoine ne semble pas digne d’une telle attention.

Le projet de la « Maison de l’histoire européenne » ne s’inscrit pas dans la transparence

La demande de permis a été discutée ce 19 juin 2012 en commission de concertation de la Ville de Bruxelles. Le projet a reçu une volée de bois vert de la part des habitants, représentés par l’Association du Quartier Léopold (AQL) mais aussi des associations telles que l’ARAU, Europa Nostra et Pétitions-Patrimoine. Pour comprendre pourquoi il était nécessaire de doubler le volume du bâtiment Eastman, les habitants ont demandé que le programme muséographique, à partir duquel les architectes avaient à travailler, soit rendu public. Il est effectivement indispensable de connaître la qualité, la répartition et les superficies des fonctions d’un tel musée (exposition permanente et/ou temporaire, locaux administratifs, espaces d’accueil, cafétéria, boutique…) pour pouvoir évaluer ce projet en toute connaissance de cause. Le représentant de l’administration du Parlement européen a fini par déclarer que cette information n’avait pas à être rendue publique.

Une concertation publique et un avis déconcertant

L’avis de la commission de concertation est un modèle de langue de bois : 
« Considérant que l’extension qui se situe dans la cour et en couronnement s’articule dans la composition des volumes du bâtiment existant » ;
« Considérant que le projet constitue un défi technique de créer un musée à la fois fonctionnel, accessible pour tous et sécurisé ».
Voilà un florilège d’arguments technocratiques et tautologiques visant à lever tout obstacle à la défiguration de ce qui doit, y compris dans le site classé du parc Léopold, s’adapter aux principes de la révolution immobilière permanente d’un quartier européen qui ne veut pas oublier qu’il s’appelle Léopold. Les Bruxellois ne sont pas des citoyens européens de seconde zone et ne peuvent s’accommoder d’un tel déni ni de la part des pouvoirs publics qui les représentent ni de la part des institutions européennes qu’ils ont accueillies. Ils exigent d’abord une publication du programme muséographique afin que chacun puisse évaluer si les fonctions qu’il impose aux architectes ne font pas double emploi avec le Parlamentarium, ou avec l’offre urbaine de la place Jourdan toute proche.

Ils demandent ensuite que le projet de musée soit redimensionné afin de le rendre compatible avec la conservation du patrimoine du parc Léopold, en accord avec les principes de la Charte de Venise (1) qui sont reconnus par les instances internationales et qui sont généralement d'application sur tout le territoire européen. La restauration exemplaire et récente de la Villa Empain (réalisée par la Fondation Boghossian) est bien la preuve qu'une activité culturelle ouverte bien au-delà des frontières de l'Europe rayonne aussi par la qualité tout en mesure de son installation dans cet autre bâtiment remarquable de Michel Polak. Le Parlement européen ne devrait pas s'exonérer de la règle commune en tirant profit d'une faille administrative (absence de classement). Nous ne nous attendons certainement pas de cette grande institution, à laquelle nous sommes tous attachés, qu'elle s'assujettisse à la rhétorique encombrante et mercantile qui semblent conduire l'ensemble du projet européen vers un avenir auquel les bruxellois comme tous les citoyens européens ne pourront adhérer.

(1) :  Article 6 en particulier : « La conservation d'un monument implique celle d'un cadre à son échelle. Lorsque le cadre traditionnel subsiste, celui-ci sera conservé, et toute construction nouvelle, toute destruction et tout aménagement qui pourrait altérer les rapports de volumes et de couleurs seront proscrits. »

Signataires : Association du Quartier Léopold, ARAU, Pétitions-Patrimoine, Fondation Boghossian (Villa Empain)